C’est une analyse qui risque encore une fois de faire jaser le gouvernement de Abdelillah Benkirane. Dans son rapport présenté ce vendredi devant le souverain, Abdellatif Jouahri souligne clairement que «le rythme du progrès s’est inscrit ces dernières années dans une tendance baissière»...
Une phrase qui ne cite pas explicitement les années de mandat du gouvernement actuel, mais qui veut tout dire lorsque l'on sait que Jouahri n'a pas souvent été rassuré par l'évolution que connaissait l'économie nationale durant ces cinq dernières années
En fait, on comprend bien que pour le gouverneur de la Banque centrale, même si le Maroc a franchi des étapes importantes dans le cadre de son développement économique, la cadence observée ces dernières années n’est pas pour rassurer même si plusieurs facteurs, aussi bien internes qu’externes, jouaient en faveur d’un progrès plus accéléré.
«L’atonie des activités non agricoles et de l’emploi se poursuit, notre tissu productif se fragilise et les progrès sur le plan du développement humain restent en deçà des attentes et faibles en comparaison internationale», déplore Abdellatif Jouahri. Ceci suffit pour que le gouverneur de la Banque centrale se pose des questions sur la pertinence même des politiques et stratégies mises en place par les pouvoirs publics.
De même, il remet en cause tout le modèle économique du royaume et qui a surtout été basé sur la demande intérieur. «Le modèle basé sur la demande intérieure comme moteur de la croissance qui a prévalu jusqu’à présent a montré ses limites», a-t-il souligné sans détour.
Faible croissance, rythme de création d’emplois insuffisant, aggravation de l’endettement, faible compétitivité du tissu productif, détérioration des déficits jumeaux… les signes de fragilité du modèle économique actuel du Maroc commencent à prendre du relief.
Face à cette situation plutôt inquiétante, le gouverneur de Bank Al-Maghrib rejoint le Haut-commissaire au Plan qui a appelé récemment à revoir notre modèle économique de manière à favoriser l’industrialisation et à opérer une rupture avec les politiques publiques conçues et mises en œuvre jusqu'ici.
«L’industrialisation, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois de qualité, devrait être au centre de ces mutations à côté des autres stratégies sectorielles lancées ces dernières années mais dont les résultats jusqu’à présent restent contrastés», constate Abdellatif Jouahri.
L’impact de la dynamique des secteurs exportateurs n’est pas non plus reluisant. Le gouverneur relève en effet que malgré la bonne tenue du secteur de l’automobile, la dynamique de l’export marocain n’a que des effets d’entraînement limités sur l’économie nationale. Mais à ce niveau, une lueur d’espoir pointe tout de même à l’horizon. Elle consiste en les écosystèmes mis en place récemment.
Si les objectifs qui leur sont assignés sont atteints dans les délais raisonnables, cela permettra sans nul doute d’améliorer les retombées des stratégies sectorielles et renforcer, par la même occasion, la compétitivité des PME qui sont pour Jouahri «l’épine dorsale du tissu industriel».
En attendant, il faudrait se doter des moyens à même de permettre une évaluation du rendement et de la cohérence des plans sectoriels. Et pour que celle-ci soit systématique et régulière, il est proposé de mettre en place des entités dédiées qui sauront déceler les anomalies rapidement et opérer des ajustements de manière plus réactive.
«Plus globalement, nous estimons que pour un meilleur encadrement du développement économique et social de notre pays, la mise en place d’une planification stratégique serait appropriée», suggère Abdellatif Jouahri.
C’est dire tout le travail que doivent mener toutes les parties impliquées dans la mise en place et la mise en œuvre des différentes feuilles de routes qui guide le développement économique du royaume.