La crise sanitaire impacte très négativement la trésorerie des entreprises et leur capacité à honorer leurs engagements auprès de leurs fournisseurs. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, Le360 a sollicité Hicham Alaoui Bensaid, directeur général d'Euler Hermes Acmar, filiale marocaine du leader mondial des solutions d’assurance des échanges commerciaux interentreprises.
Sa réponse est sans appel: «au cours du second trimestre 2020, les incidents de paiement déclarés par nos assurés ont tout simplement doublé comparativement au premier trimestre de cette année».
La totalité de la chaîne de valeur de l’économie marocaine est touchée, même si, ajoute-t-il, «le BTP, la distribution, le textile et les activités directement ou indirectement liées au tourisme tiennent clairement le haut du pavé».
Hicham Alaoui Bensaid signale toutefois que l’image globale n’est pas encore parfaitement exhaustive au titre des incidents de paiements réellement soufferts par les assurés d’Euler Hermes Acmar.
Et pour cause, face au caractère inédit de la situation, le spécialiste de l’assurance-crédit et du recouvrement de créances commerciales a concédé certains ajustements contractuels. «Nous avons tenté, autant que faire se peut, de soutenir nos partenaires à mitiger les effets de cette configuration, en octroyant notamment 60 jours supplémentaires à titre de flexibilité à ses assurés dans leurs déclarations de créances contentieuses. Ceci afin de leur permettre de négocier, au mieux, le recouvrement des créances de façon amiable et sereine.
Lire aussi : Délais de paiement: la pandémie aggrave la situation pour les TPE
Toutefois, en dépit de cet ajustement contractuel exceptionnel, les demandes de recouvrement devraient exploser. «Nous pouvons d’emblée annoncer que nos anticipations de créances compromises à déclarer par nos assurés, établies en prévision de l’exercice en cours, sont d’ores et déjà dépassées de 40%», affirme Hicham Bensaid Alaoui.
Une seconde vague d’impayés?Selon notre interlocuteur, le plus dur reste à venir. «Il semble bien imprudent d’écarter la probabilité, de plus en plus forte, d’une seconde vague d’impayés», affirme-t-il.
Cette seconde vague frapperait les entreprises ayant pu survivre, à court terme, notamment grâce aux dispositifs de soutien bancaire mis en place conjointement avec l’Etat marocain, ou encore à leurs fonds propres.
Mais en raison du tassement de la demande, de la morosité de la plupart des secteurs d’activité et de la grande frilosité à engager des dépenses structurantes dans le contexte actuel, ces entreprises, jusqu’ici sous perfusion, risquent d’accuser le coup, et gonfler davantage le stock des créances impayées.
Lire aussi : Amine Diouri: «Le pic des défaillances d’entreprises attendu au premier trimestre 2021»
Seul point positif au tableau: les créances à l’export à partir du Maroc semblent épargnées. «De manière générale, il convient de rappeler que nos principaux partenaires économiques se situent en Europe, continent avec lequel nous réalisons quasiment les 2/3 de nos exportations en tant que pays, très majoritairement en Union Européenne. Or, les économies de ces pays ayant souffert de décroissances à deux chiffres parfois, les volumes exportés à partir du Maroc ont manifestement baissé, induisant mécaniquement une baisse des créances en jeu, et par voie de conséquence une baisse corrélée du risque induit de non-recouvrement», souligne le patron d’Euler Hermes Acmar.
Quant aux créances d’avant la crise du Covid-19, ajoute-t-il, elles ont été plutôt favorablement recouvrées, «grâce notamment aux contributions très substantielles de la part de certains gouvernements, dont les stratégies keynésiennes ont également permis de mitiger les effets de la crise sur les comportements de paiement inter-entreprises».
Rappelons que les crédits inter-entreprises (soit le montant des factures non-encaissées) au Maroc dépassent les 400 milliards de dirhams. Un niveau anormalement élevé, qui représente près du tiers du PIB national. Le problème du crédit inter-entreprises, et de son corollaire, l’allongement des délais de paiement, n’est pas nouveau. Le contexte de la crise sanitaire et ses effets désastreux sur l’activité économique n’ont fait, en réalité, qu’amplifier un phénomène déjà bien ancré dans les pratiques des entrepreneurs marocains.