L'Algérie, déjà ébranlée par une année de protestations antigouvernementales après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, fait face à une crise économique sans précédent. L’Algérie, membre de l’Opep, ne peut plus compter sur les revenus du pétrole dans un avenir proche.
«Autrefois dépendante des gains exceptionnels pour aider à garder le couvercle sur la dissidence sociale, l'Algérie a maintenant besoin d'un prix du pétrole de plus de 157 dollars le baril juste pour équilibrer son budget. L'indice de référence mondial Brent s'échange en dessous de 30 dollars, tandis que les contrats à terme sur le pétrole à New York sont tombés en dessous de zéro lundi pour la toute première fois», souligne l’agence Bloomberg.
L’Algérie, qui a recensé à ce jour plus de 2.629 cas de coronavirus et pas moins de 375 décès - le nombre de morts le plus élevé du monde arabe -, s'est empressé pour introduire des mesures pour protéger les Algériens, y compris des paiements en espèces aux familles nécessiteuses et des reports de remboursement de crédit et d'impôts sur les sociétés, ajoute la même source.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), le pays est en bonne voie cette année pour enregistrer un déficit budgétaire de 20% du produit intérieur brut, avec un déficit courant pire que celui du Liban. Les réserves brutes pourraient tomber en dessous de 13 milliards de dollars l'an prochain, soit une chute de près de 90% depuis 2017, selon les prévisions publiées la semaine dernière.
La létalité (nombre de patients décédés par rapport au total de personnes infectées) de l'épidémie met à l'épreuve le fragile système de soins de santé de l'Algérie, où la densité de médecins et de lits d'hôpitaux est à la traîne, constate Bloomberg. Le taux de létalité s'établit en effet à plus de 15% en Algérie.
Selon les prévisions du FMI, l’économie algérienne va se contracter de 5,2% en 2020, faisant augmenter le chômage de plus de 15%.
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«Nous vivons un moment critique car nous avons ici trois crises - économique, politique et virale - qui convergent potentiellement à un moment où la population est encore très mobilisée et la confiance dans l'État est faible», a affirmé Riccardo Fabiani, directeur de projet pour l'Afrique du Nord à l'International Crisis Group.
Ce qui distingue encore l'Algérie, c'est l'absence quasi totale du marché de la dette extérieure. Après qu'un plan économique, à la fin de 2019, a fait naître l'idée d'emprunter à l'étranger, le président Tebboune a annoncé en mars que l'idée avait été abandonnée.
La crise économique est déjà installée. L'Association des entrepreneurs algériens a déclaré en mars que 25.000 entreprises du secteur de la construction et des travaux publics étaient déjà au point mort.
Une confédération d'industriels et de producteurs estime que les entreprises algériennes ont perdu au moins 70% de leurs marchés. L'Italie, la France et l'Espagne, pays durement touchés par le Corionavirus, sont les principales destinations des exportations algériennes en 2019.
Les richesses passées du pays en pétrole et en gaz pourraient laisser croire qu'Alger dispose de suffisamment de réserves en devises pour servir de tampon contre les prix du brut de 15 à 20 dollars pendant environ un an, encore faut-il introduire des restrictions sur les importations, poursuit Fabiani, cité par Bloomberg.
Le pays, qui a été plongé dans une guerre civile pendant une grande partie des années 1990, devrait faire face à une nouvelle grogne politique dès la fin des restrictions aux déplacements décrétées pour empêcher la propagation du virus.
"Je suis sûr que Hirak reprendra dès la fin du confinement", a déclaré Mohammed, un ingénieur de 30 ans dans une entreprise d'État qui descendait régulièrement dans la rue en 2019 et qui a demandé à être identifié uniquement par son prénom pour sa sécurité. "Rien ne pourra l'arrêter", conclut Bloomberg.