La Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (Fimme) a tenu ce mercredi 23 février sa réunion plénière annuelle qui intervient suite à l’élection du nouveau Comité, pour le mandat 2022-2025. L’occasion pour les professionnels du secteur de débattre de l’ensemble des problématiques qui freinent le développement et la compétitivité des entreprises nationales, dans un contexte aggravé par la dépendance aux marchés internationaux des matières premières, caractérisés par une flambée des prix depuis les débuts de la pandémie.
Interrogé par Le360 à l’issue des discussions avec les professionnels, le président de la Fimme, Abdelhamid Souiri explique que «le secteur a repris son dynamisme durant l’année 2021, contrairement à 2020, mais n'a toujours pas récupéré [son] niveau d’activité d’avant-crise», expliquant que «le cours des matières premières va certainement impacter encore plus cette année les industriels».
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Depuis plus d’un an, les entreprises métallurgiques sont nombreuses à fortement réduire leur activité, à cause de la hausse vertigineuse du prix des matières premières. Cette flambée des prix concerne de nombreux minerais et métaux: acier, aluminium, cuivre, zinc, graphite… La liste est longue.
Le secteur, qui emploie aujourd’hui près de 75.000 personnes, génère un chiffre d'affaires annuel de plus de 70 milliards de dirhams, dont 7 milliards de dirhams à l’export. Il se retrouve ainsi tributaire de la conjoncture internationale à cause de sa dépendance aux importations des différentes matières premières sur les marchés internationaux.
«Notre secteur importe plus de 80% de la matière première utilisée tout au long de sa chaîne de valeur. Aujourd’hui on fait face à deux défis majeurs, d’abord la rareté de la matière première avec laquelle nous travaillons et puis les prix qui ont pratiquement doublé», explique le premier vice-président de la Fimme, Abdesslam Halouani.
En plus des matières premières, le prix des transports et de l’énergie est également sur une tendance haussière depuis plusieurs mois, à cause des différentes tensions internationales, qui ont fait flamber le prix des carburants. Le prix du baril de pétrole a dépassé le seuil des 100 dollars, ce jeudi 24 février 2022, pour la première fois en plus de sept ans, après que le président russe Vladimir Poutine a annoncé une «opération militaire» en Ukraine.
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Face à cette situation, les alternatives sont très peu nombreuses, le surcoût est directement supporté par les industriels qui se retrouvent obligés de réduire leur marge pour garantir la pérennité de leur activité. «Cette conjoncture impacte directement les acteurs du secteur par rapport à leurs engagements. Quand on s’engage, il n'y a pas de clauses de révision et l’ensemble des entreprises des secteurs ont dû répercuter ces hausses sur leur marge, ce qui a fragilisé le secteur», regrette Abdesslam Halouani.
«Nous sommes très dépendant au marché international. On ne peut pas commencer à produire de la matière première du jour au lendemain, il faut une vision, du temps et des moyens. Nous essayons de diluer l’impact du coût de la matière première à travers l’ensemble de la chaîne de valeur, pour ne pas répercuter la hausse sur le consommateur final, mais ça reste difficile, parce qu’en plus de la matière première, le transport et l’énergie coûtent très cher aussi», précise-t-il.
Une conjoncture qui met en péril la compétitivité de la filière, à la fois sur le marché national et à l’export. «Malheureusement quand on importe un produit fini, ça revient beaucoup moins cher que le produit localement fabriqué. Il faut donc revisiter la chaîne de valeur et soutenir les différents maillons, pour qu’on puisse retrouver notre compétitivité et faire revenir ces activités qui faisaient la force du secteur, une dizaine d’années auparavant», explique Abdesslam Halouani, qui précise que «dans le cadre d'une stratégie nationale de substitution à l’importation, on a travaillé auprès de la tutelle pour l’identification et l’appui du potentiel national de création de valeur et d’emplois. Sur les 34 milliards de dirhams identifiés par le ministère de l’Industrie, notre secteur pourrait substituer jusqu’à 14 milliards de dirhams».
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Autre sujet de préoccupation de ces professionnels: celui de la disponibilité de ressources humaines qualifiées pour accompagner le développement du secteur, et s’adapter aux nouveaux défis de l'industrie nationale.
«Nous avons besoin de former plus et de faire davantage la promotion des métiers de l'industrie métallurgique, mécanique et électromécanique, pour monter en compétence. Aujourd'hui quand un investisseur veut s’installer au Maroc, il cherche davantage de ressources humaines qualifiés que des avantages fiscaux», indique le président de la Fimme.
«Notre secteur réunit plusieurs métiers, nous sommes censés être la colonne vertébrale de l’industrie au Maroc, mais malheureusement nous ne sommes pas perçus comme tels, et nous ne recevons pas le même accompagnement que d’autres industries qui dépendent de notre chaîne de valeur, comme l’automobile ou l’aéronautique», regrette Abdelhamid Souiri, qui appelle l’ensemble des parties prenantes à unir leurs forces pour surmonter cette conjoncture, éviter les faillites et augmenter la compétitivité de l’écosystème national.