Nous reproduisons ci-après l'analyse complète de la situation économique nationale, faite par les membres du Conseil de Bank Al-Maghrib.
Lors de sa réunion, la Conseil de BAM a analysé l’évolution de la conjoncture économique et sociale aux niveaux international et national, ainsi que les projections macroéconomiques de la Banque à moyen terme. Celles-ci traduisent un certain regain d’optimisme suscité en particulier par le bon déroulement de la campagne de vaccination anti-Covid-19 et les conditions climatiques favorables qui caractérisent l’actuelle campagne agricole. Le Conseil a néanmoins noté que les perspectives restent entourées d’un niveau élevé d’incertitudes liées essentiellement à l’évolution de la situation sanitaire aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, au regard de la propagation de nouveaux variants du virus et des capacités actuelles de production des vaccins ainsi que des délais de leur livraison.
Le Conseil s’est enquis également des bilans d’étape des différentes mesures mises en place depuis le début de la pandémie pour favoriser le financement de l’économie et atténuer l’impact de la crise sur les ménages et sur les entreprises.
Sur la base de l’ensemble de ces évaluations, le Conseil a estimé que l’orientation de la politique monétaire reste largement accommodante, assurant des conditions de financement adéquates. Il a jugé en particulier que le niveau actuel du taux directeur demeure approprié et a décidé ainsi de le maintenir inchangé à 1,5%.
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Le Conseil a noté que sous l’effet des pressions désinflationnistes émanant de la demande, l’inflation est restée faible en 2020. Avec la reprise de l’activité et l’augmentation des cours internationaux du pétrole et de certains produits alimentaires, elle devrait s’inscrire en hausse tout en demeurant à un niveau modéré, passant de 0,7% en 2020 à 0,9% en 2021, puis à 1,2% en 2022. Sa composante fondamentale connaîtrait une évolution similaire, s’établissant à 1,2% en 2021, après un taux de 0,5% en 2020, puis s’accélérant à 1,5% en 2022.
Au niveau national, les dernières données des comptes nationaux relatives au troisième trimestre 2020 laissent indiquer une reprise de l’activité après la forte baisse enregistrée un trimestre auparavant. Tenant compte de ces réalisations et des indicateurs de haute fréquence disponibles, la contraction de l’économie nationale sur l’ensemble de l’année ressortirait, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib autour de 7%, reflétant des replis de 8,1% de la valeur ajoutée agricole et de 6,7% de celle des activités non agricoles. Sur le marché du travail, les données du HCP indiquent une forte dégradation en 2020, avec une perte de 432.000 emplois, dont 273.000 au niveau de l’agriculture et 107.000 dans les services. Le taux d’activité a reculé de 45,8% à 44,8% et le taux de chômage s’est aggravé à 11,9% globalement et à 15,8% en milieu urbain.
Sur l’horizon de prévision, la reprise de l’activité économique devrait se poursuivre, soutenue notamment par le plan de relance de 120 milliards de dirhams, l’orientation accommodante de la politique monétaire et un certain regain de confiance au regard de l’avancement de la campagne de vaccination et des conditions climatiques favorables qui caractérisent l’actuelle saison agricole. Ces perspectives restent toutefois entourées de fortes incertitudes liées essentiellement à l’évolution de la situation épidémiologique et à la disponibilité des vaccins aux niveaux national et international. Ainsi, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, la valeur ajoutée des activités non agricoles progresserait en 2021 de 3,5% et, tenant compte d’une production céréalière estimée autour de 95 millions de quintaux, celle du secteur agricole rebondirait de 17,6%, portant ainsi la croissance de l’économie nationale à 5,3%. En 2022, celle-ci se consoliderait à 3,2%, recouvrant une accélération pour sa composante non agricole à 3,8% et une baisse de 2% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux.
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Sur le plan des comptes extérieurs, l’année 2020 a été marquée par un repli important des échanges commerciaux, avec une diminution des importations plus prononcée que celle des exportations. Le taux de couverture s’est ainsi amélioré de 4,5 points à 62,4% et le déficit de la balance commerciale des biens s’est allégé de 47,8 milliards de dirhams pour s’établir à 158,7 milliards. Pour sa part, l’excédent de la balance des services s’est atténué de 27,6 milliards dirhams à 60,7 milliards, en lien avec la chute de 53,8% des recettes de voyage à 36,4 milliards de dirhams, alors que les transferts des MRE ont affiché une forte résilience avec un accroissement de 5% à 68 milliards. Dans ces conditions, le déficit du compte courant se serait atténué à 1,8% du PIB. Sur l’horizon de prévision, il devrait se creuser à 4,5% du PIB en 2021 avant de revenir à 3% en 2022. Les importations s’accroîtraient à un rythme soutenu, en relation essentiellement avec les hausses prévues de la facture énergétique et des achats de biens de consommation, alors que le redressement des exportations serait favorisé notamment par l’augmentation annoncée des capacités de production de la construction automobile.
En parallèle, les recettes de voyage connaitraient, sous l’hypothèse d’une hausse graduelle des arrivées de touristes étrangers à partir du second semestre de cette année, une progression modérée tout en restant bien en deçà des niveaux d’avant crise, s’établissant à 38,1 milliards de dirhams cette année et à 68,2 milliards en 2022. Quant aux transferts des MRE, ils atteindraient respectivement 71,9 milliards de dirhams, puis 73,4 milliards. Pour ce qui est des opérations financières, les recettes des IDE devraient avoisiner 3,2% du PIB après avoir baissé à 2,4% en 2020. Tenant compte des flux prévus du financement extérieur du Trésor, les avoirs officiels de réserve se situeraient à fin 2021 à 310,3 milliards de dirhams, ou l’équivalent de 6 mois et 25 jours d’importations de biens et services, et se renforceraient à fin 2022 à 318,6 milliards ou 7 mois d’importations de biens et services.
Concernant les conditions monétaires, elles ont été marquées en 2020 par un recul des taux débiteurs de 49 points de base en moyenne, résultat des réductions du taux directeur opérées par Bank Al-Maghrib en mars et juin de la même année ainsi que d’une montée sensible du coût du risque. Pour ce qui est du crédit au secteur non financier, et en dépit de la forte contraction de l’activité économique et de l’augmentation des créances en souffrance, il est ressorti en hausse de 3,9%, favorisé par les mesures de soutien et de relance mises en place. Son rythme devrait avoisiner 3,6% sur l’horizon de prévision. Quant au taux de change effectif réel, il s’est apprécié de 0,8% en 2020, mais devrait se déprécier du même taux en 2021 et de 0,6% en 2022, conséquence d’un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des pays partenaires et concurrents commerciaux.
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S’agissant des finances publiques, l’exécution budgétaire de la loi de finances rectificative fait ressortir un déficit, hors privatisation, de 82,4 milliards de dirhams ou 7,6% du PIB et ce, compte tenu du solde positif de 5,3 milliards du Fonds spécial de gestion de la pandémie de la Covid-19. Les recettes ordinaires ont diminué de 7,6%, reflétant des reculs de 6,8% des rentrées fiscales et de 12,4% de celles non fiscales.
En regard, les dépenses ordinaires se sont accrues de 2,1%, tirées principalement par les hausses de la masse salariale et des dépenses au titre des autres biens et services. De son côté, l’investissement a progressé de 18,8% à 85,9 milliards de dirhams. Tenant compte des données de la loi de finances 2021 et des perspectives de croissance économique, la consolidation budgétaire devrait reprendre graduellement, le déficit hors privatisation devant s’atténuer, selon les projections de Bank Al-Maghrib, à 7,2% du PIB en 2021 puis à 6,7% du PIB en 2022. Dans ces conditions, le taux d’endettement du Trésor continuerait d’augmenter, passant de 77,4% du PIB en 2020, à 79% en 2021 puis à 81,3% en 2022.