Plus que jamais, les chiffres de l’emploi ou pour être plus précis ceux du chômage, donnent du tournis et devraient constituer une forte inquiétude à tout gouvernement. «Si l’exécutif s’évertue à courir après les grands objectifs du fameux plein emploi dans une situation de crise internationale, la tâche paraît maintenant de plus en plus ardue», constate l’hebdomadaire Challenge.
Sur ce point, il faut bien rappeler que l’apport de l’économie informelle, comme le notent la plupart des rapports nationaux et internationaux sur cette question dont le dernier rapport de la Banque mondiale sur le secteur informel dans la région MENA, est oublié.
«Un rapport qui révèle que le secteur informel au Maroc est le premier pourvoyeur d’emplois avec un taux de 77,3% de la population active, taux nettement supérieur à celui de l’Égypte (62,5 %) et de la Tunisie (43,9 %), qui ont des caractéristiques et un potentiel comparable. On peut certes déplorer le caractère précaire et fragile de ces emplois mais une chose est sûre, l’informel contribue à la croissance économique et, par-là, à la paix sociale», lit-on.
Mais comment profiter de ce dynamisme? Selon l’hebdomadaire, les décideurs devraient s’intéresser ainsi aux potentialités du secteur. Non reconnue, l’activité affiche un taux de plein emploi insolent et même si le modèle social n’est pas l’idéal en la matière, il maintient une plus grande flexibilité de l’emploi que lui envieraient les économistes les plus libéraux.
Dans l’informel, alors que paradoxalement, et malgré le fléau du chômage, l’économie formelle enregistre des pénuries de recrutement dans de nombreux secteurs, l’équilibre se fait par une régulation spontanée qui profite autant aux employeurs qu’aux travailleurs.
«Dans des pays comme le Maroc où des taux de croissance de la population élevés entraînent une urbanisation sans freins, c’est le secteur informel qui absorbe la plus grande partie de la main d’œuvre dans les zones urbaines. L’emploi informel offre une stratégie de survie indispensable dans les pays où il n’existe pas de filets de sécurité, comme l’assurance chômage, où les salaires et les pensions sont faibles, notamment dans le secteur public», écrit Challenge.
En outre, on oublie souvent que les imbrications entre l’informel et l’industrie dans l’économie formelle sont telles qu’il est impossible à certaines entreprises de survivre sans une sous-traitance confiée à̀ de petites entreprises, dont la majorité travaille dans le secteur informel.
Moralité, l’exécutif gagnerait à remettre en cause les théories surannées de la Banque Mondiale sur un secteur informel qu’il faudrait combattre à n’importe quel prix. Toutes ces accusations devraient faire aujourd’hui l’objet d’un diagnostic précis pour séparer le bon grain de l’ivraie.
Le sentiment d’urgence à agir si on veut baisser le chômage, impose de remettre tous les sujets sur la table, y compris les plus inattendus. Cela commence d’abord par un intérêt réel pour un secteur dont on manque cruellement de statistiques et notamment sur l’aspect de l’emploi informel.