À Casablanca, la question budgétaire s’impose dans l’espace public. La révision des redevances d’occupation du domaine public, récemment examinée par la commission du budget du Conseil de la ville, illustre cette évolution. «Loin d’une simple actualisation tarifaire, cette démarche s’inscrit dans une stratégie plus large visant à renforcer les capacités financières de la métropole en s’appuyant sur la valorisation de son foncier public», indique le quotidien Les Inspirations Eco dans son édition du 30 décembre.
Dans une ville confrontée à des besoins structurels considérables, la pression sur les finances communales ne cesse de s’accentuer. Casablanca concentre une part significative de l’activité économique nationale, tout en supportant les charges liées à son statut de capitale économique. L’entretien de la voirie, la gestion des espaces publics, la modernisation des réseaux urbains et l’amélioration du cadre de vie constituent des postes de dépenses lourds et durables. Le document soumis aux élus part d’un constat largement partagé: les redevances en vigueur ne correspondent plus ni à la réalité économique actuelle de la ville ni à la valeur différenciée de ses espaces. Certaines grilles tarifaires, parfois anciennes et uniformes, apparaissent déconnectées de l’hétérogénéité du tissu urbain casablancais.
La réforme proposée repose sur un principe central, celui de la différenciation territoriale. La ville est désormais découpée en zones selon leur niveau d’équipement, la qualité des services urbains et leur attractivité économique. Les secteurs les plus structurés, bénéficiant d’infrastructures complètes et d’un fort potentiel commercial, se verront appliquer des redevances plus élevées. À l’inverse, les zones moins équipées devraient bénéficier de tarifs plus modérés. Cette approche marque une rupture avec la logique uniforme qui a longtemps prévalu dans la gestion du domaine public. Elle vise à faire correspondre la contribution financière à la valeur réelle de l’espace occupé, en tenant compte de son environnement et de son potentiel économique.
À travers les tableaux tarifaires détaillés, une orientation claire se dessine. L’occupation du domaine public n’est plus considérée comme un usage toléré, mais comme une exploitation économique encadrée. «Trottoirs, voiries et espaces attenants deviennent des supports de création de valeur pour les acteurs privés, et donc des sources de recettes pour la commune», explique Les Inspirations Eco. Les activités commerciales installées sur le domaine public figurent parmi les premières concernées. La distinction entre occupation temporaire et permanente, la localisation précise et la nature de l’activité jouent désormais un rôle déterminant dans le calcul des redevances.
Les réseaux urbains constituent un autre volet majeur de la réforme. Eau, électricité, télécommunications et autres infrastructures techniques utilisent massivement le domaine public communal. Le document acte la volonté de mieux encadrer cette occupation et d’en tirer un rendement jugé plus cohérent avec l’importance stratégique de ces réseaux. Pour la commune, l’enjeu est double : sécuriser juridiquement l’utilisation du domaine public et capter une part plus équitable de la valeur générée par des opérateurs disposant d’une forte capacité contributive.
Derrière cette logique financière se pose toutefois la question sensible de la répartition de l’effort. Les grands opérateurs et les activités économiques structurées disposent généralement de marges leur permettant d’absorber des redevances plus élevées. La situation est plus délicate pour les petits commerçants et les activités à faible rentabilité, souvent concentrés dans les quartiers centraux à forte densité urbaine. Le risque d’un report des coûts sur les prix pratiqués auprès des consommateurs ne peut être écarté. Dans une ville où le pouvoir d’achat demeure un sujet sensible, l’équilibre entre rendement budgétaire et acceptabilité économique sera déterminant.
«La réforme s’appuie sur des outils techniques avancés, notamment la cartographie et les systèmes d’information géographique, destinés à permettre une classification fine des zones et une application plus cohérente des tarifs», souligne Les Inspirations Eco. Leur efficacité dépendra toutefois largement des choix opérés par les instances communales. Le classement des zones, la délimitation des périmètres et l’ajustement des niveaux de redevance constituent autant de décisions à fort enjeu politique. À Casablanca, chaque arbitrage budgétaire est scruté de près par les acteurs économiques et les élus d’arrondissement, conscients des impacts locaux.
Au-delà des chiffres et des grilles tarifaires, le document révèle une orientation stratégique assumée. La ville cherche à renforcer ses ressources propres en valorisant mieux son patrimoine public, plutôt qu’en multipliant les prélèvements indirects ou en dépendant davantage des transferts. Cette approche traduit une montée en maturité de la gestion financière locale. Elle pose néanmoins une condition essentielle à sa réussite: les recettes supplémentaires attendues devront se traduire par une amélioration visible des services urbains et de la qualité de l’espace public. À défaut, la réforme risquerait d’être perçue comme une pression fiscale supplémentaire, déconnectée des attentes des citoyens.








