De plus en plus de Marocains succombent à la tentation du Bitcoin. Les chiffres dont Le360 s’est fait récemment l’écho donnent un aperçu de l’ampleur du phénomène. Sur la plateforme de trading de gré à gré LocalBitcoins, le mois de février 2021 a ainsi été le «meilleur mois» de l’histoire de la plateforme au Maroc en ce qui concerne les volumes de transactions en dirhams, avec l’équivalent de près de 900.000 dollars de Bitcoins échangés.
Par ailleurs, selon les données de Usefultulips, un site spécialisé qui compile les transactions en bitcoin réalisées sur les plateformes de gré à gré, sur une période d’un mois, les transactions en dirhams marocains totalisent près de 1,5 millions de dollars (soit l’équivalent de 13,4 millions de dirhams), contre 1,4 millions de dollars pour l’Arabie Saoudite, et 842.000 dollars pour les EAU.
«J’ai multiplié ma mise de départ par trois»…Derrière ces transactions, des jeunes Marocains qui veulent surfer sur la hausse spectaculaire du prix du Bitcoin et la «hype» autour de la star des crypto-monnaies. C’est le cas de B., trentenaire, cadre dans une société industrielle à Casablanca. Son intérêt pour les crypto-monnaies a commencé il y a quelques années déjà, au moment où les médias internationaux ont commencé à parler du phénomène Bitcoin. «J’ai commencé à m’y intéresser quand j’ai compris ce qu’est la Blockchain, la technologie sur laquelle repose le Bitcoin. J’ai compris que le potentiel était grand, et que ce n’est que le début».
B. mettra néanmoins quelques années avant de franchir le pas. Il réalise son premier achat en octobre 2020 sur Binance, l’une des plateformes d’échanges de crypto-monnaies les plus connues. «J’ai misé toute ma dotation touristique en devises, soit près de 4.500 euros. Aujourd’hui, 6 mois plus tard, mes gains s’élèvent à 19.000 euros», affirme-t-il.
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«Tout le monde ne gagne pas», nuance-t-il aussitôt. «Je connais des gens qui ont perdu beaucoup d’argent. Ce risque est réel, car les prix sont extrêmement volatiles, et réagissent à la moindre information ou rumeur, de manière brutale», souligne-t-il. Ces derniers jours d’ailleurs, après plus semaines de hausse spectaculaire, la valeur du Bitcoin a lourdement chuté, passant de 64.000 dollars à 52.000 dollars. La raison? Des pannes d’électricité en Chine qui ont mis hors service une grande partie de la capacité d'extraction du bitcoin, selon le site spécialisé CoinDesk.
Les plateformes d’échange internationales sont risquées pour les MarocainsDes acheteurs de Bitcoin comme B., le Maroc en compte de plus en plus. Pour acquérir une crypto-monnaie, les traders dans le monde ont généralement recours aux plateformes d’échange internationales qui font florès sur le web, comme Binance, Kraken, Bitstamp, Coinbase, Coinhouse, etc., et dont la notoriété, qui ne dépassait guère au début un petit cercle d’initiés, atteint aujourd’hui le grand public.
Pour acquérir des Bitcoins, l'investisseur crée un compte sur l’une de ces plateformes, et se voit attribuer un portefeuille virtuel (wallet). Les transactions se font en devises, le plus souvent par carte bancaire internationale.
Depuis quelques temps, certaines de ces plateformes, comme Binance, permettent de rapatrier l’argent collecté suite à la vente des Bitcoins sur un compte bancaire au Maroc, histoire de pouvoir disposer des gains réalisés en monnaie locale. Inconvénient: ce transfert n’est pas sans risque, car il peut éveiller les soupçons de l’Office des changes qui, rappelons-le, considère les transactions effectuées via les monnaies virtuelles comme une infraction à la réglementation des changes, passible de sanctions.
Les plateformes de gré à gré: gage de confidentialitéPour contourner cet écueil, les traders marocains se rabattent sur les plateformes de gré à gré, c’est-à-dire de particulier à particulier, où l’achat de Bitcoin en dirhams est possible. L’avantage de ce système pour les Marocains est qu’il leur permet d'effectuer une transaction sans avoir à partager ses informations personnelles. Des plateformes comme Localbitcoin ou encore Paxful permettent ce genre de transactions et en toute confidentialité, et sont d’ailleurs largement plébiscitées par les traders marocains.
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Concrètement, ces plateformes s’apparentent à des sites d’annonces, où le vendeur de Bitcoin place son offre. L’acheteur entre en contact avec le vendeur et se mettent d’accord sur le moyen de payer la transaction. Celle-ci se fait le plus souvent en cash. Une fois la transaction effectuée, par virement ou par transfert de cash, généralement, le bitcoin est versée sur l’adresse bitcoin de l’acheteur qu’il a créé à cet effet, en toute confidentialité.
Cette confidentialité représente une garantie nécessaire lorsque les transactions sont effectuées dans un cadre législatif où les crypto-monnaies sont interdites, comme c’est le cas au Maroc. Revers de la médaille: il n’est pas impossible de tomber sur un vendeur douteux et de se faire escroquer. Par ailleurs, les frais de transactions sur les plateformes de gré à gré sont souvent un peu plus élevés que sur les plateformes d’échanges.
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Malgré ces inconvénients, les traders marocains sont de plus en plus nombreux à recourir à ce genre de plateforme. Sur Localbitcoins par exemple, un simple coup d’œil sur les offres en dirhams montre que celles-ci sont nombreuses (Cf. la capture d’écran ci-dessous), et qu’il est aisé de trouver des vendeurs et des acheteurs Marocains. Même constat sur Paxful, l’autre plateforme de gré à gré préférée des Marocains.
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Tout ceci montre qu’il faudra bien plus qu’une interdiction des crypto-monnaies pour en détourner les Marocains, la législation ayant toujours un train de retard sur la technologie. Les mesures d’interdiction n’ont en réalité qu’un faible pouvoir dissuasif. Il faut adapter, encadrer, plutôt qu’interdire.
C’est visiblement le chemin que semblent prendre, enfin, les autorités monétaires du Royaume, Bank Al-Maghrib en tête. La Banque centrale a en effet adopté une stratégie en matière de crypto-actifs. Un comité a été mis sur pied avec pour mission d'identifier et d’analyser les avantages, mais également les risques pour l’économie marocaine, d’un dirham numérique et de l’utilisation de crypto-actifs comme le Bitcoin.