Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, s’est exprimé hier, mardi 24 mars 2021, en conférence de presse, sur la stratégie adoptée par la banque centrale en matière de crypto-actifs. «La crise a démontré que le digital et le numérique vont prendre de plus en plus d’importance, pas uniquement dans les domaines du commerce et des échanges, mais également sur le plan monétaire. J’ai dis à mes équipes que nous devons absolument être agiles et proactifs», a d’emblée indiqué le gouverneur de la banque centrale.
BAM a ainsi a mis sur pied un comité, «en bonne et du forme», dont les membes se dédient à cette problématique, avec pour mission d'identifier et d’analyser les avantages, mais également les risques, pour l’économie marocaine, d’un dirham numérique et de l’utilisation de crypto-actifs comme le Bitcoin. Ce comité comporte trois groupes de travail, dont les membres de l'un se consacrent aux crypto-actifs. «Nous allons suivre de très près les évolutions», a assuré, à cet égard, Abdellatif Jouahri.
A ce jour, la détention de crypto-actifs est toujours interdite au Maroc, pour des raisons de protection du consommateur. Le wali de Bank Al-Maghrib s’aligne ainsi sur la position du patron de la Réserve fédérale américaine (FED) qui a déclaré, pas plus tard que lundi dernier, que le Bitcoin n'était pas une monnaie, mais bien un actif spéculatif, qui doit être encadré par une réglementation internationale.
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Pour les autorités monétaires du Maroc, il s’agit d’être prêt lorsqu’une telle réglementation verra le jour. «Il faut pas que nous soyons en retard», a lancé Abdellatif Jouahri. Selon le wali de BAM, en effet, les crypto-actifs peuvent être très utiles. «C’est un moyen d’innovation, qui peut être dans l’intérêt du consommateur dans la mesure où il peut faire baisser les coûts», a-t-il souligné.
Bank Al-Maghrib pourrait commencer par recourir à la monnaie virtuelle pour ce qu’on appelle la «monnaie de gros», c’est à dire la monnaie qui ne peut être échangée qu’entre les banques et la banque centrale, avant d’aller, plus tard, vers la «monnaie de détail», c’est à dire vers le grand public.
Des risques à maîtriser«Nous sommes aussi en relation avec des banques centrales qui sont en avance sur ces questions», a révélé Abdellatif Jouahri. «Nous sommes en pleines discussions avec les banques centrales du Canada, d’Angleterre et de Suisse, qui ont conduit des expériences dans ce domaine». Mais, s'est-il s’empressé d’ajouter, «tout le monde est en train d’évaluer, non seulement ce qui est en lien avec l’innovation, mais également les risques».
Sur ce point précisément, le wali de Bank Al-Maghrib rappelle qu’en 2019, le G20 a demandé au Gafi (soit le Groupe d'action financière ou Financial Action Task Force, un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme), d’inscrire, parmi les acteurs à risque, les prestataires de services des crypto-actifs, estimant qu’il s’agissait là d’un canal de blanchiment qui est «largement ouvert».
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Toute la stratégie de Bank Al-Maghrib en matière de crypto-actifs consiste donc à être bien préparé pour le jour où ces questions liées aux risques engendrés par le recours au crypto-actifs seront résolues, et où un consensus international autour d’un cadre légal sera atteint.
«Si les choses évoluent, et elles vont certainement évoluer très vite, nous ne voulons pas qu’il y ait de fracture entre nous et les pays développés», a insisté Abdellatif Jouahri. Il faudra, a-t-il ajouté, «que sur le plan des études, des analyses, et des échanges avec les banques centrales partenaires, nous puissions constituer une documentation, une vision, qui puisse nous permettre de dire: si je dois y aller, voilà par quoi je commence, et voilà comment je dois encadrer».
Des campagnes de communication, de sensibilisation et de formation devront par ailleurs être menées. Une tâche qui ne sera pas facile, à en croire le wali, vis-à-vis d’un public encore très attaché à la culture du cash.