Solide et bien orienté, le secteur bancaire marocain confirme sa résilience. C’est l’un des principaux enseignements du rapport annuel sur la supervision bancaire pour 2024, présenté ce jeudi 24 juillet à Casablanca par Bank Al-Maghrib.
Les responsables de la Banque centrale ont tout d’abord dressé un état des lieux du secteur bancaire. Ainsi, a relevé Nabil Badr, directeur adjoint de la supervision bancaire à Bank Al-Maghrib, «le paysage bancaire marocain reste dominé par les banques à capital local», qui représentent près de 89% des actifs totaux.
Avec 24 banques (dont 5 participatives), 29 sociétés de financement et 18 établissements de paiement, le secteur se caractérise par une forte concentration: les cinq premières banques détiennent 76% du total des actifs en 2024, contre 75,7% en 2023, ajoute-t-il.
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Il ressort aussi du rapport que la digitalisation a profondément transformé le réseau physique, avec une réduction de 113 agences bancaires (5.692 entités à fin 2024), compensée par une augmentation de 86 guichets automatiques (GAB) à 8.328 et de 6.328 agents d’établissements de paiement (32.221). Cette évolution reflète une adaptation aux nouvelles habitudes des clients, qui privilégient désormais les canaux digitaux.
Inclusion financière: des progrès notables, mais des défis persistent
Le taux de détention de comptes bancaires (bancarisation) a progressé de 4 points en un an, atteignant 58% de la population adulte. Cette amélioration s’explique en partie par le succès des comptes de paiement, dont le nombre a bondi à 13,8 millions (+3,5 millions par rapport à 2023), note le responsable.
Les programmes sociaux et les initiatives publiques, comme l’opération de régularisation fiscale, ont également contribué à cette dynamique. Parallèlement, le nombre de cartes bancaires en circulation a augmenté de 12%, atteignant 22,6 millions à fin 2024.
Cependant, des disparités subsistent: seuls 39% des comptes bancaires appartiennent à des femmes, contre 61% par des hommes.
Crédits: une croissance tirée par les entreprises, un ralentissement chez les ménages
Les encours de crédits ont progressé de 6,5% en 2024, portés principalement par les prêts aux entreprises (+18,7% pour les crédits à l’équipement). En revanche, les crédits aux ménages ont marqué le pas (+1,2 %), en raison d’un ralentissement de la consommation.
Les programmes de crédits garantis (Damane, Intelaka) ont joué un rôle clé dans le soutien à l’économie, avec près de 100.000 bénéficiaires cumulés et des encours dépassant les 23 milliards de dirhams.
Rentabilité en hausse, malgré un coût de risque élevé
Le Produit Net Bancaire (PNB) a atteint 68 milliards de dirhams (MMDH) en 2024, en hausse de 16,3%, tiré par les revenus des activités d’intermédiation et des services. Le résultat net a bondi de 24,1% à 15,7 MMDH, malgré une forte augmentation du coût de risque (+38,5%), liée à la dégradation de certains portefeuilles.
La finance participative, après des années de montée en puissance, a atteint un équilibre financier, avec 25,5 milliards de dirhams de financements et des dépôts en croissance constante.
Supervision renforcée et innovations réglementaires
Bank Al-Maghrib a intensifié ses contrôles en 2024, avec 21 sanctions prononcées (dont 11 pécuniaires), principalement pour des manquements en matière de lutte contre le blanchiment (LBC-FT) et de gestion des cyber-risques.
Parmi les avancées réglementaires majeures, figurent la réforme du cadre applicable aux services de paiement, marquée par une revalorisation des plafonds des comptes de paiement afin de favoriser l’inclusion financière, ainsi que le lancement des travaux relatifs à l’open banking, en vue de l’adoption d’un cadre réglementaire destiné à encourager l’innovation et renforcer la concurrence.
Protection des clients et enjeux futurs
Les réclamations bancaires ont enregistré une nette progression en 2024, avec une hausse de 58 %, portant le nombre de dossiers traités à 2 298. Dans 74 % des cas, les décisions rendues ont été favorables aux clients. Cette évolution s’inscrit dans un contexte de renforcement des mécanismes de transparence, illustré notamment par la mise en place d’une charte interbancaire dédiée à la satisfaction de la clientèle, ainsi que par l’adoption d’un code éthique encadrant les crédits à la consommation.
Perspectives 2025-2026
Parmi les chantiers structurants du secteur figurent notamment la poursuite de la digitalisation, avec le déploiement de l’authentification biométrique pour les services financiers en ligne; la préparation à l’évaluation du Groupe d’action financière (GAFI) prévue en 2026, à travers le renforcement des dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme; ainsi que le développement de la finance durable, en cohérence avec les engagements climatiques du Maroc.
Ainsi, le secteur bancaire marocain affiche en 2024 une solidité notable, portée par une supervision rigoureuse et une capacité d’adaptation continue aux évolutions technologiques. Si des défis structurels demeurent — notamment en matière de cybersécurité, d’inclusion financière en milieu rural ou encore de transition écologique — les fondations du système restent suffisamment robustes pour soutenir une trajectoire de croissance durable.







