En un peu plus de vingt ans, le Maroc s’est imposé comme une puissance aéronautique montante, passant du statut de simple plateforme low cost à celui de hub technologique reconnu. Une ascension portée par une vision royale claire, un engagement industriel constant et une politique volontariste tournée vers la compétitivité et l’innovation.
Dans un entretien au magazine Challenge, Adil Jalali, président du GIMAS et de l’IMA, revient sur les ressorts de cette réussite et les défis qui attendent le secteur. «L’implication royale joue un rôle central dans l’ancrage durable d’acteurs internationaux tels que Safran au Maroc», affirme d’emblée Adil Jalali. Selon lui, la présence du Roi lors de l’inauguration du nouveau site de Safran à Nouaceur «confirme la place stratégique du secteur aéronautique dans la politique industrielle nationale». Cette implication, dit-il, s’inscrit dans une vision à long terme, fondée sur la durabilité, la compétitivité et l’innovation. Elle envoie surtout «un signal fort aux investisseurs internationaux, en leur offrant un environnement stable, des infrastructures modernes et un capital humain hautement qualifié».
En un peu plus de deux décennies, le Royaume a su se repositionner, indique Challenge. «Le Maroc est passé d’une logique de coûts à une logique de valeur», explique Jalali. «Nous sommes aujourd’hui une plateforme best value, où la compétitivité repose sur la qualité, la maîtrise technologique et la rigueur des délais». Cette montée en gamme s’est accompagnée d’une transformation profonde des activités, de la fabrication de pièces simples à la production de sous-ensembles complexes, jusqu’à l’ingénierie et la maintenance. Un virage rendu possible grâce à «des investissements massifs dans la formation, via l’IMA, l’ISMALA et nos écoles d’ingénieurs, qui produisent des profils immédiatement opérationnels sur des activités de haute précision».
Ce modèle attire les plus grands noms du secteur, souligne le magazine hebdomadaire. Airbus, Boeing, Safran ou encore Spirit AeroSystems ont consolidé leur présence. «Le Maroc offre une stabilité politique rare, une proximité immédiate avec l’Europe et un environnement industriel compétitif», souligne Jalali. «Nos chaînes de valeur sont maîtrisées, notre logistique connectée aux principaux hubs mondiaux, et notre main-d’œuvre est hautement qualifiée. C’est cette équation –compétitivité, fiabilité et excellence opérationnelle– qui fait la différence».
La stratégie marocaine mise désormais sur la souveraineté industrielle. «Nous voulons produire localement les composants stratégiques et faire émerger des champions nationaux capables de fabriquer des sous-ensembles critiques», précise le président du GIMAS. Le programme Made in Morocco en est la pierre angulaire, combinant incitations à la production locale et montée en compétence technologique. «Nous passons d’un modèle d’exécution à un modèle de contribution technologique», a-t-il ajouté.
L’un des atouts majeurs du Maroc réside dans la qualité de sa formation. «Notre écosystème a été conçu par les industriels, pour les industriels», rappelle Jalali. «Les programmes de l’IMA, de l’ISMALA et des écoles d’ingénieurs sont calibrés selon les besoins des entreprises, garantissant une employabilité immédiate.» Cette adéquation entre formation et production constitue, selon lui, «un avantage compétitif décisif dans une industrie où la précision, la sécurité et la compétence humaine sont essentielles».
Sur la question de la fuite des talents, Jalali se montre pragmatique: «Oui, nos ingénieurs sont recherchés à l’international, mais c’est le signe que la compétence marocaine est reconnue. La solution n’est pas de retenir à tout prix, mais de former plus, de créer des perspectives et d’investir dans des projets à forte valeur technologique». La dynamique du secteur, elle, ne faiblit pas. «Les commandes mondiales d’avions atteignent des niveaux records. Les avionneurs doivent accélérer leurs cadences et se tournent vers les plateformes les plus fiables. Le Maroc coche toutes les cases», insiste-t-il. La croissance annuelle à deux chiffres et les carnets de commandes pluriannuels traduisent, selon lui, «un marqueur de confiance durable».
Pour Jalali, l’avenir de la filière est déjà en marche. «Nous entrons dans une deuxième phase de développement axée sur l’ingénierie, la R&D, la maintenance avancée, l’avionique, le spatial et la défense. Le Maroc va créer de la propriété intellectuelle, développer de la technologie exportable et intégrer l’intelligence artificielle dans ses procédés industriels». Il conclut avec conviction: «Le Maroc ne sera plus seulement un hub de production. Il deviendra un centre de conception euro-africain de référence. Nous avons les fondations humaines, industrielles et stratégiques pour y parvenir».







