Un mois après le déploiement officiel de la 5G au Maroc, le pays se trouve à une étape cruciale, celle de transformer cette avancée technologique en bénéfices économiques tangibles, réduire les inégalités territoriales et définir un modèle durable pour les opérateurs et les consommateurs.
«L’euphorie des premiers jours, marquée par l’apparition du logo 5G sur des millions de téléphones et des débits impressionnants à Casablanca et Rabat, laisse progressivement place à des interrogations plus concrètes», éstime le magazine Finances News Hebdo. Que représente réellement cette infrastructure pour l’économie nationale? Comment les opérateurs peuvent-ils rentabiliser leurs investissements tout en rendant la technologie accessible au plus grand nombre?
Le Maroc a réalisé l’un des déploiements les plus rapides sur le continent africain. Plus de cent villes ont été couvertes dès les premières heures, avec des débits pouvant dépasser deux gigabits par seconde. Les opérateurs assurent une transition «sans surcoût» pour les utilisateurs passant de la 4G à la 5G.
La question n’est plus de savoir si le Maroc disposait de la capacité technique pour lancer la 5G, mais plutôt si le pays possède un cadre institutionnel, financier et territorial permettant à la technologie d’être réellement accessible. La première difficulté réside dans la couverture. Les opérateurs visent 70 à 85% de la population couverte d’ici 2030, un objectif qui semble atteignable sur le papier, mais qui masque une réalité plus complexe. Une large partie du territoire national reste peu desservie, et concentrer les antennes dans les centres urbains permet mécaniquement d’atteindre les statistiques annoncées, sans réellement couvrir les zones rurales ou isolées, souligne le magazine.
La fracture territoriale constitue un autre défi majeur. Les zones blanches et grises, représentant plus de 40 % du territoire, continuent de dépendre de réseaux 2G ou d’une 3G insuffisante pour les usages modernes. Le contraste avec les expérimentations en 5G dans les grandes villes illustre un Maroc où les vitesses peuvent varier du gigabit au kilobit selon la localisation. «Le manque de transparence autour du plan national haut débit accentue cette problématique, ce plan, pourtant essentiel pour prioriser les zones à couvrir, restant non publié», écrit Finances News.
Le modèle économique de la 5G soulève également des questions. Si, techniquement, les consommateurs n’ont pas besoin de changer de carte SIM ni de forfait, l’usage de données plus intensif peut générer un coût perçu plus élevé. Les applications modernes consomment rapidement des volumes de données supérieurs à ceux de la 4G, ce qui peut vider les recharges plus rapidement, même si les opérateurs ont légèrement augmenté les dotations de data.
La question de la mutualisation des infrastructures reste stratégique. La joint-venture entre inwi et Maroc Telecom constitue une première étape. La fibre optique doit devenir la colonne vertébrale unique du réseau, et sa mutualisation complète est indispensable pour accélérer la montée en charge de la 5G tout en réduisant les coûts.
La cybersécurité devient un enjeu central avec l’arrivée de la 5G. L’augmentation du nombre d’objets connectés et la complexité des réseaux élargissent les surfaces d’attaque. Bien que le Maroc dispose d’ingénieurs qualifiés, le cadre réglementaire reste insuffisant, notamment pour la protection des systèmes d’information destinés au public. La sécurisation des backbones des opérateurs apparaît désormais comme une question de souveraineté numérique.
Les bénéfices potentiels de la 5G sont importants pour plusieurs secteurs. L’industrie peut profiter de l’automatisation intelligente et de chaînes de production connectées en temps réel. L’agriculture peut tirer parti de l’irrigation automatisée et de la surveillance par drones. La santé et l’éducation peuvent bénéficier de la télémédecine haute définition et d’un accès facilité aux contenus interactifs. Mais toutes ces opportunités reposent sur une condition essentielle: le réseau doit exister partout où se trouvent les utilisateurs et les entreprises.
Enfin, une autre révolution se profile avec le développement du direct-to-cell, permettant aux smartphones de se connecter directement aux satellites, indépendamment des antennes terrestres. Anticiper cette mutation est crucial pour éviter que des acteurs internationaux ne captent la valeur créée, au détriment du secteur télécom local. L’intégration de cette infrastructure satellitaire au modèle national pourrait constituer une étape stratégique pour l’avenir.








