Ali Ahmed Saïd, alias Adonis, fêtait le 1er janvier 2021 ses 91 ans. C’est donc afin de célébrer le dernier jour de sa 90ème année, le 31 décembre 2020, qu’un collectif d’artistes issus de différents horizons et cultures ont décidé de rendre hommage à celui dont le pseudonyme réfère au dieu phénicien Adonis, symbole du renouveau cyclique. Ces hommages filmés sous forme de vidéos et compilés sur le site adonis@90 sont ainsi autant de témoignages d’affection et de respect pour ce grand poète arabe mais aussi une belle entrée en matière pour ce renouveau marqué par le passage d’une année à une autre, et rendu possible en l’occurrence par la poésie.
Parmi les 140 témoignages adressés à ce poète amoureux de la langue arabe et à la parole libre, figure également une vidéo de toute beauté produite à l’initiative de l’Académie du Royaume du Maroc et qui fait figure d’exception à plus d’un titre en étant, d’une part, la seule vidéo produite par une institution, et d’autre part, en choisissant de rendre hommage à la création par la création.
La genèse d’un projet créatifLe Maroc n’est pas un pays étranger à Adonis comme l’explique Abdeljalil Lahjoumri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, au 360. En effet, celui-ci a «participé à un séminaire organisé en l’honneur de Abdelkébir Khatibi (sociologue, poète, écrivain) qui était son ami et auquel il a rendu un hommage très émouvant». Alors, quand le comité organisateur de cet hommage à Adonis a contacté l’Académie du Royaume du Maroc, «nous n’avons pas hésité une seule seconde étant donné l’amitié qui lie Adonis au Maroc».
Toutefois, pas question pour autant de participer «de manière conventionnelle» à cet évènement, explique Lahjoumri qui a préféré «rendre hommage à un artiste de façon artistique». Pour ce faire, «nous avons fait appel à deux grands artistes», poursuit-il en citant Mohammed Bennis, «un poète pour un poète» et Fouad Bellamine, «un peintre dont la peinture a une poésie particulière».
Un hommage à quatre mains rendu par la plume de l’un et le pinceau de l’autre qui a beaucoup plu à Adonis. En effet, celui-ci a fait savoir à l’Académie du Royaume «à quel point il trouvait l’idée originale et qu’à son sens, la poésie était le meilleure moyen de communiquer avec lui», se réjouit Abdeljalil Lahjoumri.
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La poésie à quatre mainsPour Mohammed Bennis, Adonis est loin d’être un étranger tant entre les deux poètes l’amitié se compte au fil des décennies. En effet, c’est en 1969 que le poète marocain envoie ses poèmes à Adonis qui choisira de les publier dans sa toute jeune revue «Mawakif» (Positions). «Nos relations n’ont cessé de se développer, et nous avons réalisé de très belles choses», explique Mohammed Bennis à Le360 en évoquant avec émotion cet homme qu’il considère comme «l’un des grands poètes de notre temps», et dont il a suivi pas à pas la poésie, les positions, les engagements.
«C’est avec bonheur que j’ai répondu à l’invitation de l’Académie du Royaume du Maroc pour rendre hommage à Adonis», explique Mohammed Bennis, auteur d’une poésie écrite pour l’occasion et qu’il récite tout au long de la vidéo. «Cette poésie fait écho à l’esprit de liberté du poète. L’écriture y fait corps avec le corps féminin», commente le poète marocain que l’idée d’un travail à quatre mains avec Fouad Bellamine, ami de longue date, a beaucoup séduit.
De son côté, l’artiste peintre, qui a rencontré Adonis à Paris lors d'un hommage qui lui était dédié à l'Institut du monde arabe (l'IMA), a quant à lui axé son travail sur «la spatialité, la clarté, la transparence», résume-t-il pour qualifier ce paysage où l’on «retrouve un peu de Beyrouth», mais qui évoque aussi de par son atmosphère la ville de Damas, «deux villes qui ont marqué Adonis».
C’est toutefois, chacun de leur côté, qu’artiste et poète ont travaillé à leur œuvre, car en aucun cas la peinture de l’un ne se veut l’illustration de la poésie de l’autre. La surprise de la découverte a donc été laissée pour la fin… «Nous avons beaucoup de choses en commun et nous sommes tous deux attachés à la création, la liberté d’expression et de pensée», explique Mohammed Bennis au sujet de cette œuvre qui reflète «deux expériences qui se rencontrent dans la liberté de travail et de la vision».