Une carte numérique révèle 300.000 kilomètres de routes romaines antiques, jusqu’au Maroc

À Volubilis.

Près de 300.000 kilomètres de voies romaines traversant l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord viennent d’être révélés grâce à Itiner-e, une carte numérique inédite qui redessine le réseau routier de l’Empire romain.

Le 11/11/2025 à 13h37

Publié le 6 novembre 2025 dans la revue Scientific Data, ce projet international offre une vision inédite de l’organisation et de l’ampleur logistique de Rome à son apogée en s’appuyant sur les résultats de quatre années de recherche et les travaux de seize institutions européennes sous la coordination de l’Université d’Aarhus (Danemark) et de l’Universitat Autònoma de Barcelone.

Cette base de données géographique compile et numérise sous forme de carte numérique près de 299.171 kilomètres de voies romaines — presque le double des estimations précédentes- qui s’étendaient sur près de 4 millions de km², reliant les provinces de l’Empire, de la Bretagne romaine jusqu’aux confins du désert d’Arabie, en passant par les côtes du Maghreb et les plaines du Levant. Le Maroc actuel, alors partie intégrante de la province romaine de Maurétanie Tingitane, faisait lui aussi partie de ce vaste maillage.

Le Maroc, trait d’union africain de l’Empire

La carte Itiner-e met ainsi en évidence un réseau dense de voies romaines au nord du Maroc, reliant les principales cités antiques de Tingis (Tanger), Lixus (Larache), Volubilis et Sala Colonia (près de Rabat). Certains itinéraires suivent le littoral atlantique entre Tanger et Larache, tandis que d’autres rejoignent l’intérieur du pays par Volubilis, en direction du Moyen Atlas.

Des segments plus dispersés apparaissent également autour de Tétouan et dans la région du Rif, témoignant du rôle stratégique du nord marocain comme zone de passage entre l’Afrique et la péninsule Ibérique. Ces routes facilitaient le transport des marchandises — huile d’olives, blé, métaux, produits artisanaux — vers les ports du détroit de Gibraltar, d’où partaient les liaisons maritimes vers Hispania. Certaines de ces anciennes voies correspondent encore aujourd’hui à des tracés ruraux ou à des pistes locales, preuve de la continuité historique de l’aménagement du territoire.

Une prouesse technologique et scientifique

Pour élaborer la carte, les chercheurs ont croisé des sources antiques — comme l’Itinéraire d’Antonin (3ème siècle) ou la Table de Peutinger — avec des technologies modernes telles que photographies aériennes, imagerie satellite, relevés topographiques et systèmes d’information géographique (SIG). Chaque segment de route a été géoréférencé et documenté selon son niveau de certitude. Ainsi, seules 2.7% des routes sont confirmées par des vestiges directs, tandis que près de 90% restent des reconstitutions fondées sur des indices archéologiques.

Deux niveaux hiérarchiques de routes se distinguent avec, d’un côté, les routes principales (103.478 km), qui servaient de supports à l’administration impériale et aux déplacements militaires; et de l’autre, les routes secondaires (195.693 km), essentiellement consacrées à la mobilité locale et régionale. Cette distinction éclaire la manière dont Rome a intégré des régions éloignées comme l’Afrique du Nord dans un système cohérent de circulation des personnes, des biens, mais aussi des idées ou encore des maladies, à l’image de la peste antonine, étudiée par les chercheurs à travers la propagation le long de ces voies.

Le site Itiner-e.org, en libre accès, permet aujourd’hui de visualiser, télécharger et citer les 14.769 segments répertoriés, offrant aux chercheurs comme au grand public un regard renouvelé sur la manière dont Rome a construit et maintenu le plus vaste empire de l’Antiquité.

Par La Rédaction
Le 11/11/2025 à 13h37