Le séisme qui a frappé la région d’Al Haouz, vendredi 8 septembre 2023, a provoqué la démolition de plusieurs sites historiques. La mosquée de Tinmel, véritable joyau architectural, emblème de la dynastie des Almohades, nichée au cœur du douar Talat N’Yaqoub à 100 km de Marrakech, n’a pas été épargnée. Ce bijou était en cours de restauration lorsque la montagne du Haut Atlas a tremblé.
«Les travaux de réhabilitation étaient en cours de finalisation» confie l’architecte Karim Rouissi, actuellement en déplacement dans la région sinistrée pour travailler sur l’état des lieux de plusieurs bâtiments et sites historiques en vue de leur reconstruction.
Une première réhabilitation avait déjà eu lieu en 1991 à l’initiative de l’historien Hamid Triki et dont la première tranche avait été financée par la fondation ONA, l’actuelle Al-Mada.
La mosquée de Tinmel, emblème de la dynastie almohade
«C’est une des mosquées les plus importantes du sud du Maroc. Elle date du 12ème siècle et elle est située dans le fief des Almohades. C’est de Tinmel que sont d’ailleurs parties les troupes à la conquête de l’Andalousie. C’est dire l’importance de ce bâtiment qui illustre notre passé glorieux», confie Tania Chorfi, qui a supervisé l’opération de réhabilitation, lorsqu’elle était cheffe de projet à l’ONA. A l’époque, l’équipe d’experts allemands qui avait participé à la réhabilitation aux côtés de l’archéologue Joudia Hassar avait préconisé de ne pas installer le toit de la mosquée. «L’équipe allemande a jugé qu’il fallait laisser la mosquée sans toit en sachant que le bâtiment était historique et que son aspect fonctionnel allait céder la place à l’aspect patrimonial», ajoute Tania Chorfi. A l’époque, cette réhabilitation avait coûté environ 5 millions de dirhams.
Il y a à peine 9 mois, plus précisément le 23 janvier 2023, le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohammed Mehdi Bensaid, et le ministre des Habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufiq, se sont rendus sur le site pour s’enquérir de l’état d’avancement des travaux de réhabilitation qui devaient s’étaler sur 18 mois. Mehdi Bensaid avait alors déclaré aux médias qu’un musée allait être construit à côté de la mosquée de Tinmel pour consolider l’activité touristique, dans le but de mettre en lumière davantage le rôle joué par ce berceau de la civilisation almohade.
Le bilan des dégâts est en cours
Mais le séisme a eu le dernier mot. Actuellement, à l’heure de l’écriture de ces lignes, Mohammed Kortbi, l’ingénieur en chef chargé du projet de réhabilitation, rédige son rapport qui devrait donner une idée précise de l’ampleur des dégâts.
Selon Karim Rouissi, il est possible de procéder à une reconstruction à l’identique de cette mosquée qui est l’archétype de la politique architecturale et urbanistique de l’époque des Almohades. «La bonne nouvelle, c’est que la mosquée de Tinmel est très bien documentée, après la réhabilitation qui a eu lieu en 1991, c’est donc possible de reconstruire à partir de l’existant», affirme Karim Rouissi.
Hamid Triki, cheville ouvrière de la réhabilitation de 1991
Contacté par Le360, l’historien Hamid Triki qui présidait le Comité consultatif du patrimoine au sein de l’ONA témoigne de la richesse et de l’importance de ce patrimoine historique dont l’architecture est pourtant très sobre. «En plus de sa valeur historique, c’est l’équilibre mathématique et géométrique qui en fait sa véritable spécificité et son importance». L’historien évoque ici la finesse des motifs et des arcades intérieures qui respecte des mesures artistiques et techniques de 60 cm bien définies.
Cet historien souligne également que si nouvelle réhabilitation il y a, il est important d’abord et quelle que soit l’ampleur des dégâts de trouver le niveau 0 du sol par rapport à la mosquée et implanter les colonnes endommagées qui entourent la cour de cette dernière. Mais ce n’est pas tout. «Le plus important c’est que rien ne soit entrepris avant les études et les analyses scientifiques. Il faut obtenir des briques à partir des briques authentiques qui sont en terre cuite et les analyser au laboratoire. Lorsque nous les avions analysées à l’époque, on a découvert qu’elles étaient composées d’argile pure et pour ça, il faut racler le fond des bassins où l’argile est déposée», recommande Hamid Triki.