Dans le dossier présenté par l’Algérie pour une possible inscription en 2024, l’accent est en effet mis sur ces deux tenues accompagnées de définitions détaillées. Il est ainsi précisé que la gandoura est une «robe longue évasée en satin ou velours qui est brodée suivant des motifs floraux et animaliers selon les techniques du fil d’or «elmejboud», «elfetla», «teu» ou de «perlage», et que par-dessus «peuvent se porter des vestes «quat et quwiyet», caftans brodés selon les mêmes techniques ou drapés couvrant/’elhaf».
La melehfa est quant à elle décrite comme étant un «ample drapé enveloppant, à l’origine sans couture, qui est soutenu aux épaules par deux broches en argent «abzim» et à la taille par une longue ceinture en cordon de laine colorée».
Si ce dossier ne pose pas de problème en soi au Maroc, c’est le diaporama qui l’accompagne et qui illustre les tenues citées plus haut qui se trouve être à l’origine d’un nouveau bras de fer entre les deux pays. En effet, en huitième position d’un diaporama de dix photos illustrant des gandouras et des melehfas s’est glissé, comme un cheveu dans la soupe, un caftan reconnaissable entre mille, pour être le traditionnel caftan Ntaâ de Fès, qui tire son nom du tarz Ntaâ, identifiable par l’usage du fil d’or dans la broderie sur velours, et les motifs floraux et en forme de paon qui habillent le bas du caftan, souvent de couleur noire ou vert foncé.
Mais dans le dossier déposé à l’Unesco par l’Algérie, la photo en question est associée à une légende mentionnant: «caftan brodé au mejboud avec motifs floraux et animaliers».
Le caftan de la discorde
Que vient faire un caftan dans un dossier consacré à la gandoura et à la melehfa? C’est la question qui se pose car pas besoin d’être expert en la matière pour savoir qu’un caftan n’est en rien comparable à une gandoura et encore moins à une melehfa.
S’agirait-il d’une tentative de s’approprier ce caftan traditionnel marocain en le glissant dans un dossier général sur le costume féminin du grand-est algérien? C’est fort probable, d’autant plus que le Maroc, après en avoir fait l’annonce dès février a, quelques semaines auparavant, déposé auprès de l’Unesco une demande d’inscription du caftan marocain au patrimoine immatériel de l’humanité au titre de l’année 2025. Pourquoi 2025? Parce que le règlement de l’Unesco ne permet à un même pays de procéder à une inscription au patrimoine immatériel que tous les deux ans. Ainsi, après avoir inscrit en 2021 la Tbourida dans la liste de ce même patrimoine, le Maroc a dû attendre 2023 pour en faire de même avec l’art du Malhoun et doit donc patienter jusqu’en 2025 pour l’inscription effective du caftan marocain. A noter toutefois qu’en 2022, le caftan a déjà été inscrit par le Maroc sur la liste de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ICESCO) comme patrimoine immatériel musulman.
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Le Maroc est donc bien décidé à ne pas laisser passer la chose. Ainsi, explique pour Le360 une source officielle au sein du ministère de la Culture, ledit ministère «a contacté la délégation permanente du royaume du Maroc auprès de l’Unesco pour déposer une réclamation à l’adresse du comité d’évaluation de l’Unesco». Cette réclamation, poursuit la même source, «concernera uniquement la photo (du caftan en question) et sa description».
Par ailleurs, apprend-on, «ces démarches sont entreprises via le ministère des Affaires étrangères et la Délégation permanente du Royaume du Maroc auprès de l’Unesco, après concertation de Mehdi Bensaïd, ministre de la Culture, et de l’ambassadeur et délégué permanent du royaume du Maroc auprès de l’Unesco, Samir Addahre», le but de cette démarche étant de préserver le patrimoine culturel marocain.
Pas de candidature commune envisageable
Les deux pays pourraient-ils se partager la paternité de ce caftan et présenter un dossier commun? Pour le Maroc, il n’en est pas question et, affirme cette même source au sein du ministère de la Culture, «il n’y a pas de dossier commun possible en matière de caftan car cet habit fait l’objet d’un dossier individuel déposé par le Maroc». Envisager une paternité double de cet habit comme ce fut le cas du couscous, dont l’inscription a été déposée par le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie, dans le cadre d’une candidature commune, n’est pas envisageable.
«Le ministère de la culture considère que le caftan est marocain» tranche-t-on, en se basant sur des recherches historiques menées par des experts en la matière. Par ailleurs, «l’Unesco dispose d’un comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, de mécanismes et de comités d’évaluation ainsi que d’experts qui prendront la décision finale. Le Maroc quant à lui joue son rôle en déposant un dossier d’inscription et en défendant son patrimoine. C’était le cas dans l’affaire Adidas, c’est le cas s’agissant du caftan et ça sera aussi le cas demain dans le cadre d’autres affaires. C’est la position ferme du Maroc» conclut-on.