Loubna Abidar: «Pourquoi je ne travaillerai plus jamais avec Nabil Ayouch»

لبنى أبيضار تعود الى الساحة الفنية المغربية

L'actrice Loubna Abidar.

Le 13/06/2024 à 16h27

VidéoLa sulfureuse Loubna Abidar opère son come-back dans le cinéma marocain. Dix ans après «Much Loved» de Nabil Ayouch où elle a fait son entrée pour la première fois dans un film marocain, l’actrice joue dans «Autisto» de Jerôme Cohen Olivar. Le360 l’a rencontrée.

Dix ans après le polémique «Much loved», son agression en plein Casablanca puis son départ en France, Loubna Abidar est de retour au Maroc. L’actrice, longtemps stigmatisée et au centre d’un tourbillon de critiques acerbes, joue le rôle principal dans le long métrage «Autisto» actuellement en tournage au centre de la métropole.

Dans cet entretien pour Le360, Loubna Abidar ne mâche pas ses mots, et dénonce Nabil Ayouch, un réalisateur qui aime créer le buzz avec des acteurs non-professionnels, leur promet monts et merveilles puis les oublie.

Le360: cela fait dix ans que vous avez quitté le Maroc pour la France. Comment s’est déroulé votre quotidien durant toutes ces années dans l’hexagone après l’expérience de «Much Loved»?

Loubna Abidar: lorsque j’ai choisi de m’exiler, il y a de cela 10 ans, j’ai travaillé dans plusieurs séries et feuilletons pour la télévision française. Je viens d’ailleurs de finir le tournage d’une série pour le compte de la chaîne Arte qui devrait être diffusée très prochainement.

Vous avez été choisie par l’équipe du film marocain «Autisto» pour jouer le rôle principal de cette fiction. Comment avez-vous vécu ce retour au Maroc?

J’étais très heureuse de revenir au Maroc, mais en même temps, c’était un choc pour moi. Il fallait absolument qu’un professionnel du cinéma, ici en l’occurrence la productrice Zhor Fassi Fihri, me soutienne. Et je pense qu’elle a été très courageuse, car elle a tenu à affronter plusieurs difficultés, dont certaines sur ma présence dans le casting. Elle a été lâchée par plusieurs sponsors, plusieurs acteurs ont refusé de faire partie de l’aventure parce que j’y étais.

Pour elle, c’était un véritable challenge de m’avoir dans ce film et je lui en suis très reconnaissante et j’espère ne pas la décevoir. Je suis également très heureuse de jouer dans un film qui parle d’autisme et de transmettre toutes les douleurs et les difficultés vécues par les mères d’enfants autistes. Je pense que Jérôme m’a choisie pour ce premier rôle car il compatissait avec ma situation et tout mon vécu.

Après «Much Loved», aucun réalisateur marocain n’a fait appel à vous. Comment avez-vous perçu cet état de fait?

Je pense que tout le monde ne peut pas relever ce défi de m’inclure dans un film! Zhor par exemple a perdu des sponsors. Cela montre que ce n’est pas uniquement le public qui m’a fait subir une injustice, mais des professionnels dans le cinéma et l’audiovisuel ont également été injustes à mon égard. Mais je pense que les rôles que j’ai campés ensuite dans des productions françaises ont fait que j’ai quand même réussi à changer l’opinion des gens à mon égard, et ont permis de révéler que j’étais capable de m’adosser à plusieurs rôles et personnages très diversifiés. La vie privée n’a rien à voir avec notre rôle au cinéma ou à la télévision. Le plus important c’est que je n’en veux à personne et je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal.

Nabil Ayouch, réalisateur de «Much Loved», a pour habitude de faire appel pour ses films à des acteurs non-professionnels, puis les abandonne dans la nature. Qu’en pensez-vous?

Nabil Ayouch a pour habitude de faire appel à des non-professionnels pour créer le buzz. Il leur promet monts et merveilles pour accepter de jouer selon ses propres désirs. Après, dès qu’il obtient ce qu’il veut, il ne remplit pas ses engagements. C’est arrivé avec plusieurs acteurs, ceux du film «Ali Zaoua, prince de la rue», c’est arrivé avec moi et c’est arrivé avec d’autres acteurs. Nabil Ayouch est un réalisateur qui a sa place, mais je pense que plusieurs acteurs qui ont fait partie de ses nombreux films ne referont plus l’expérience, moi non plus d’ailleurs.

«Ce n’est pas uniquement le public qui m’a fait subir une injustice, mais des professionnels dans le cinéma et l’audiovisuel ont également été injustes à mon égard.»

—  Loubna Abidar

Le film «Autisto» est en tournage actuellement à Casablanca. Comment avez-vous travaillé sur le personnage de la mère d’un enfant autiste?

Lorsque j’ai lu la première version du scénario, Jérôme m’a beaucoup aidé car il a un fils autiste, et en France j’étais partie voir des associations qui travaillent avec des enfants atteints du spectre autistique. Sur place ils m’ont expliqué comment une mère devait se comporter avec un enfant autiste, comment communiquer avec lui, etc. Nous avons également un psychiatre qui travaille sur le projet qui nous conseille également...

«Nabil Ayouch a pour habitude de faire appel à des non-professionnels pour créer le buzz. Il leur promet monts et merveilles pour accepter de jouer selon ses propres désirs. Après, dés qu’il obtient ce qu’il veut, il ne remplit pas ses engagements.»

—  Loubna Abidar

Que pensez-vous de la suite de votre carrière cinématographique au Maroc?

Sincèrement, c’est flou. Je ne sais pas si je réussirai sur ce film ou pas. Tout ce que je sais, c’est que nous avons une équipe magnifique, le réalisateur sait très bien ce qu’il veut. Nous avons toutes les conditions à notre portée pour faire un bon film. J’espère personnellement que je travaillerai sur d’autres projets cinématographiques dans mon pays, le Maroc.

Dix ans après votre agression à Casablanca et votre retour au Maroc, avez vous toujours peur pour votre intégrité physique?

Non, pas vraiment. Mais ceci dit, cela faisait dix ans que je n’avais pas mis les pieds à Casablanca, cette ville où j’ai été agressée et où j’ai été victime de stigmatisation. Lorsque j’ai lu le scénario, je savais que ça allait se passer à Casablanca, il y avait forcément encore quelques séquelles donc mon psychiatre et mon psychologue m’ont aidée pendant un long moment. Et lorsque j’ai débarqué ici juste avant le tournage du film, l’équipe avait déployé plusieurs efforts pour que je me sente en sécurité.

Par Qods Chabâa et Adil Gadrouz
Le 13/06/2024 à 16h27