Un dialogue qui commence sur un écran noir, quelques paroles échangées, et on est tout de suite plongés dans le milieu des amours tarifés et pris en otage d’une histoire saisissante qui dure une heure quarante. Fidèle à son style documentaire, Nabil Ayouch nous ballade dans les rues de Marrakech et nous donne à voir l’autre visage de la ville ocre. Sans concessions, il nous montre la réalité d’une certaine pauvreté dans un monde où l’euro et les pétrodollars coulent à flot. Le réalisateur décrit les personnages de manière profondément humaine, sans les juger. Jamais!
Ces rôles sont campés par des acteurs formidables. Loubna Abidar majestueuse dans le rôle de grande sœur protectrice. Mohamed Amine Jadil qui joue le rôle du travesti est une belle révélation et Abdellah Didane, l’«ange-gardien », le chauffeur qui leur voue à tous un amour inconditionnel, élégant du début à la fin. Les rôles secondaires sont tout aussi touchants. On passe très vite du rire à l’émotion.
Autre point fort du film, la complicité sans faille qui lie les prostituées, le chauffeur, le barman, et tous ces maillons qui se partagent le butin en fin de soirée. De l’humour, mais aussi du drame, sans misérabilisme ni jugement, c’est un regard empli de douceur et d’élégance qui nous est livré. Tout le monde passe sous le radar. Le flic corrompu, le Saoudien malade, le Français arrogant…
Le réalisateur nous met face à nos propres contradictions et réussit à nous mettre mal à l’aise. Certaines scènes ne sont pas faciles à regarder, et c’est cela aussi la force du film. Marqueur d’une réalité qu’on préfère ignorer, «Zin li fik» est un mal nécessaire.
On peut reprocher à Ayouch une fin un peu facile et bancale, un scénario qui manque parfois de profondeur, mais on ne peut pas lui en vouloir de montrer une certaine réalité. On ne peut pas non plus l'accuser de dégrader l’image de la femme marocaine. Encore moins de ne pas aimer le Maroc!








