Etre encensé par le magazine Billboard, ce n’est pas rien. Et pour cause, Billboard est au monde de la musique ce que Vogue est à la presse mode féminine, ou ce que Les cahiers du cinéma sont au 7e art. Quand on se voit consacrer plusieurs pages dans ce magazine d’anthologie fondé en 1894 et dédié à l’industrie du disque, il y a donc lieu de se réjouir et d’être fier.
Il y a quelques jours, l’intérêt de la publication américaine s’est porté sur Marjana Jaidi et son rendez-vous marrakchi, l'Oasis Festival, premier festival nord-africain mettant en vedette des stars de la scène house et techno mondiale.
Dans l’article, on ne tarde pas à planter le décor: Marrakech, «un complexe de villégiature tentaculaire de piscines et de palmiers appelé The Fellah», «des sentiers sinueux illuminés de lumières scintillantes mènent à des scènes nichées, faisant exploser de la musique house et techno», «des lanternes et des hamacs pendent des arbres pendant que les visiteurs se prélassent sur des tapis marocains, sirotent du thé et mangent du tajine»...
Dans cette ambiance carte postale, ces touristes «pas ordinaires» qui se la coulent douce sont venus des quatre coins pour être présents à l’Oasis Festival, décrit par Billboard comme «un événement tout aussi cool, chic et avant-gardiste que ceux auxquels nous avons assisté à Ibiza, Miami ou New York», situé toutefois selon la publication américaine dans «un monde loin» de ces mêmes festivals.
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Et pour parvenir à rivaliser avec les plus grands rendez-vous musicaux de la place, il aura fallu peu de temps. «En cinq ans d'existence, Oasis a fait du Maroc l'une des destinations les plus excitantes du circuit international des festivals [de musique et] de danse», résume-t-on dans l’article.
Ce succès, le festival le doit bien entendu en premier lieu à sa fondatrice, la maroco-philippine Marjana Jaidi, à sa présence qualifiée de «rafraîchissante dans ce coin de l'industrie de la musique» et dont on salue la vision et la volonté «d'apporter un nouveau type de musique et de public à sa tradition ancestrale tout en mettant les artistes dans la lumière». Chose importante à relever car précise-t-on, «les festivals de danse dans des lieux exotiques sont souvent conçus expressément pour attirer les voyageurs aisés», ce qui implique que ces mêmes festivals «peuvent se sentir coupés des habitants et de leur culture authentique».
«Mais en se concentrant sur les fans et les artistes de tout le Maroc et de l'Afrique du Nord, Oasis amplifie la scène électronique bouillonnante de la région tout en attirant de grandes stars mondiales» juge Billboard qui précise que sur les quelque 6.000 festivaliers présents l’année dernière, 57% étaient marocains et 43% étrangers.
Bon deal, «les participants africains entendent de la musique de stars qui jouent rarement dans la région, tandis que ceux de l'étranger trouvent la musique et le format d'un festival de style occidental qu'ils apprécient».
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Comme la plupart des festivals cette année, Oasis a été annulé en raison de la pandémie de coronavirus. Mais la fondatrice du festival n’est pas pour autant inquiète pour l’avenir malgré ce que qualifie Billboard de «sérieux revers pour un si jeune festival». «Après l'annulation de Burning Man, je sentais que les gens seraient plus compréhensifs qu'ils ne l'auraient été quelques semaines plus tôt», explique-t-elle, précisant que décision a été prise avec son partenaire commercial d'offrir aux acheteurs de billets un remboursement ou un laissez-passer pour la prochaine édition d'Oasis, prévue du 17 au 19 septembre 2021. Une décision «sans conséquence financière dévastatrice».
Un contretemps qui n'a pas mis fin à la mission plus large de Jaidi: «imaginer de nouvelles façons de rendre Oasis encore plus représentatif de la musique marocaine et africaine dans son ensemble».
Premier festival de musique de danse de style occidental du pays, «intime, haut de gamme et conçu pour les fans de danses matures et en quête d'aventure», Oasis Festival n’en est qu’aux prémisses d’une belle success-story jalonnée de grands noms de la scène électro, de Guy Gerber, à DJ Harvey en passant par Derrick Carter, Black Coffee et Solomun, Seth Troxler, Four Tet, Nicolás Jaar, Chromeo, Moodymann, Carl Cox et The Black Madonna… Autant de A-listers qui attirent des fans de danse qui, autrement, ne voyageraient jamais au Maroc. Et d’un autre côté, certains des meilleurs artistes marocains qui ne peuvent pas voyager à l'étranger, souvent en raison d'obstacles liés aux visas, sont en mesure de montrer leur travail à une foule plus expérimentée.