Lahoucine Ait El Mehdi est un styliste marocain qui a marqué le paysage de la mode dès le début des années 2000, aux côtés d’une génération de créateurs tels que Mohammed Lakhdar (MAO), Samira Haddouchi ou encore Albert Ouaknine.
Diplômé de Collège Lassalle à Casablanca, où il enseigne aujourd’hui, il s’est rapidement distingué par son audace et sa volonté de moderniser le caftan, en l’adaptant aux goûts et à la personnalité des femmes marocaines.
Il a présenté plusieurs collections et participé à de nombreux défilés, imposant une signature où tradition et modernité dialoguent harmonieusement. Pédagogue dans l’âme, il conjugue sa carrière de créateur avec celle d’enseignant, convaincu que l’échange avec les nouvelles générations nourrit sans cesse sa créativité.
Le360: vous êtes designer de mode et vous enseignez dans une école supérieure à Casablanca. Quelle est votre démarche?
Lahoucine Ait El Mehdi: dans l’enseignement, on touche à de nombreux volets: la relation avec l’étudiant, la pédagogie et bien sûr les cours dispensés. Mais dans la mode, c’est encore plus particulier, car il y a une dimension artistique et sensible. Il ne suffit pas d’être pédagogue, il faut aussi avoir cette fibre artistique pour réussir à transmettre et atteindre des objectifs concrets avec les étudiants.
L’enseignement est une mission spéciale, que tout le monde ne peut pas exercer. Il demande une approche précise, une solide culture générale et surtout un vrai sens de la communication, car les générations changent et les codes évoluent sans cesse.
«L’enseignement est venu en parallèle, comme une continuité naturelle: ce que je réalise et expérimente dans mon travail de créateur, je le transmets directement à mes étudiants»
— Lahoucine Ait El Mehdi, designer de mode
Vous avez une longue carrière dans le design de mode. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’enseignement?
Depuis mon enfance, je nourrissais deux rêves: devenir styliste et enseignant. Après mes études – effectuées d’ailleurs dans l’établissement où j’enseigne aujourd’hui - j’aidais déjà mes camarades à préparer leurs cours et à réaliser leurs projets. C’est là que j’ai senti que l’enseignement faisait aussi partie de mon chemin.
Une fois diplômé, j’ai intégré le monde professionnel, créé mon atelier, lancé mes collections et participé à plusieurs défilés. L’enseignement est venu en parallèle, comme une continuité naturelle: ce que je réalise et expérimente dans mon travail de créateur, je le transmets directement à mes étudiants.
L’enseignement vous a-t-il éloigné de la création et de votre carrière de designer?
Au contraire. Être en contact permanent avec les nouvelles générations m’oblige à rester dans la recherche et dans l’actualité. Cela me pousse à questionner la modernité, à l’explorer, et finalement à enrichir ma propre démarche créative. C’est une vraie stimulation.
Comment percevez-vous l’évolution de la mode au Maroc?
Depuis plusieurs années, la mode au Maroc a pris un tournant décisif. De nombreuses marques ont émergé et le produit créatif marocain séduit un marché de plus en plus concurrentiel. Ce qui est réjouissant, c’est que les Marocains acceptent et plébiscitent le produit local, dès lors qu’il est pensé, et bien travaillé.
«Aujourd’hui, on observe une tendance vers un caftan plus «haute couture», où les stylistes évitent de toucher à la structure traditionnelle»
— Lahoucine Ait El Mehdi, designer de mode
À un moment, de nombreux créateurs ont revisité le caftan. Aujourd’hui, on observe une tendance inverse, vers une préservation du caftan traditionnel. Qu’en pensez-vous?
C’est vrai. Au début des années 2000, une génération de stylistes — dont Mohammed Lakhdar, Samira Haddouchi, Albert Ouaknine, Nabil Dahani et moi-même (et je m’excuse si j’oublie d’autres noms) — avons voulu proposer une nouvelle vision du caftan. Pour ma part, j’avais constaté que les jeunes femmes portaient les caftans de leurs mères ou grand-mères, qui ne correspondaient pas toujours à leur personnalité. J’ai donc choisi de créer des caftans pensés pour elles, plus modernes et adaptés à leur âge.
Aujourd’hui, on observe une tendance vers un caftan plus «haute couture», où les stylistes évitent de toucher à la structure traditionnelle. Ce n’est pas un manque de créativité, mais à mon sens cela freine un peu l’évolution et l’audace créative dans la mode marocaine.








