Pour la première fois de l’histoire de la Biennale des Arts de Venise, qui fêtera sa soixantième édition en 2024, le Maroc fait partie de la sélection officielle des pays participant à ce grand évènement artistique, a appris Le360 de source sûre.
Autre grande première, et non des moindres, la 60ème Biennale de Venise, qui se tiendra du samedi 20 avril au dimanche 24 novembre 2024, organisée par le curator brésilien Adriano Pedrosa, directeur artistique du Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand-MASP, accueillera pour un pavillon marocain au sein du prestigieux site de l’Arsenal. Une information confirmée par une source au sein du ministère de la Culture pour Le360, sans toutefois vouloir en dire plus à ce stade. «La communication officielle à ce sujet aura lieu d’ici une à deux semaines», explique-t-on.
Une grande première et des enjeux considérables
Le silence observé par le ministère de la Culture pour le moment est révélateur de l’ampleur de cette nouvelle et des nombreux enjeux qui la sous-tendent. Car jusqu’à présent, la participation du Maroc à cette Biennale s’inscrivait dans le cadre des expositions qui composent le parcours Off de la Biennale. Si l’évènement vénitien doit sa réputation à son exposition internationale et aux pavillons nationaux répartis entre les sites des Giardini et de l’Arsenal, il s’étend à toute la ville avec les manifestations satellites organisées par des galeries ou des fondations dans des églises, des espaces d’art ou, encore plus prisés, dans les nombreux palais et hôtels particuliers que compte la ville, transformés parfois pour l’occasion en pavillons nationaux et en espaces d’exposition Off.
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C’est dans ce cadre que le Maroc a donc plusieurs fois participé à la Biennale de Venise avec, en 2005, lors de la 51ème édition de la Biennale, une première présence autour d’une exposition des œuvres de Mohamed Bennani, Fouad Bellamine et Fathiya Tahiri. Puis en 2009, avec une exposition d’une trentaine de toiles de Fathiya Tahiri à nouveau, aux côtés cette fois-ci de Mahi Binebine, à l’église Santa Maria Della Pieta. Ou encore, en 2011, avec le projet «Working for Change», qui rassemblait plusieurs artistes marocains, sous la houlette du curator Abdellah Karroum, au Spazio Punch - Ex Birrerie.
Cependant, la participation du Maroc en 2024 n’a rien à voir avec les précédentes expositions d’artistes marocains, dans l’un des multiples espaces qui transforment la ville de Venise en vaste galerie à ciel ouvert. Et pour cause, le cœur battant de la Biennale de Venise, là où des centaines de milliers de visiteurs se rendent, se trouve aux Giardini et à l’Arsenal, deux sites prestigieux dans le cadre desquels sont répartis les pavillons officiels des pays sélectionnés pour participer à l’exposition internationale.
Voilà pourquoi la présence du Maroc, avec un pavillon officiel au sein de l’Arsenal, est une grande première porteuse de très nombreux enjeux qui ne sauraient être pris à la légère, à commencer par la teneur curatoriale de l’exposition qui sera présentée par le Maroc dans ce pavillon.
Le choix du commissaire, une décision à ne pas prendre à la légère
À qui sera confié le commissariat du pavillon marocain? C’est la question qui se pose. Le choix de la personne qui va définir un projet artistique, sélectionner les artistes et les œuvres qui seront exposées dans le pavillon marocain est déterminant pour la réussite de cet événement. Compte tenu de l’importance du rendez-vous, assigner le commissariat à deux personnes serait même préconisé.
La thématique de la prochaine édition de la Biennale jouera assurément dans le profiling du commissaire du pavillon marocain. «Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere», c’est le thème de la 60ème exposition de la Biennale d’art de Venise, inspiré d’une série d’œuvres commencées en 2004 par le collectif parisien et palermitain Claire Fontaine. Son œuvre, des sculptures au néon de différentes couleurs, traduisent en plusieurs langues, les mots «Foreigners Everywhere». Quant à l’expression elle-même, «elle est tirée du nom d’un collectif turinois qui a combattu le racisme et la xénophobie en Italie au début des années 2000: Stranieri Ovunque», indique la Biennale dans un communiqué officiel.
Au sujet de cette thématique, le curator de la Biennale, Adriano Pedrosa, explique ainsi que «la toile de fond de l’œuvre (de Claire Fontaine) est un monde en proie à de multiples crises concernant le mouvement et l’existence des personnes à travers les pays, les nations, les territoires et les frontières, qui reflètent les périls et les pièges de la langue, de la traduction et de l’ethnicité, exprimant les différences et les disparités conditionnées par l’identité, nationalité, race, sexe, sexualité, richesse et liberté». Un sujet rattaché à une actualité brûlante, que le Maroc ne connaît que trop bien.
Ainsi, poursuit Adriano Pedrosa, «dans ce paysage, l’expression Foreigners Everywhere a (au moins) un double sens. Tout d’abord, où que vous alliez et où que vous soyez, vous rencontrerez toujours des étrangers – ils/nous sommes partout. Deuxièmement, que peu importe où tu te trouves, tu es toujours, vraiment et au fond de toi, un étranger».
Autant de raisons pour lesquelles «(…) la Biennale Arte 2024 mettra l’accent sur les artistes eux-mêmes étrangers, immigrés, expatriés, diasporiques, émigrés, exilés, réfugiés, notamment ceux qui ont migré entre le Sud et le Nord», développe le curator.
Une thématique où le Maroc a une place de choix
Les œuvres de nombre d’artistes marocains contemporains s’inscrivent dans la thématique générale de la prochaine Biennale de Venise. Que ce soit pour plasticiens marocains vivant au Royaume ou des artistes de la diaspora, la problématique migratoire, l’entre-deux, l’exil ou le passage du sud au nord de la Méditerranée sont au centre de leur démarche artistique. Le Maroc est au cœur de la problématique migratoire: de pays de transit, il est devenu un pays de résidence pour de très nombreux subsahariens qui rêvent d’atteindre l’Europe.
C’est dire combien le choix des personnes à qui sera confié le commissariat de l’exposition du Maroc à l’Arsenal est déterminant pour marquer les esprits. Leur travail sera facilité par le thème général de la biennale. Mais seul un commissariat rigoureux, innovant, reposant sur un projet structuré et des œuvres qui frappent les esprits peut contribuer au rayonnement du pavillon du Maroc. À Venise, il y aura une belle occasion pour donner une visibilité internationale à la vigueur de la création contemporaine au Maroc. Il ne faut pas rater ce rendez-vous.