J’avais tout mis en ordre avant ce dernier voyage à Londres. J’avais ressorti les cartons que Jane a laissés en partant, je les avais rangés dans la cave à Earls Court, puis dans cette espèce de coin montagne où j’avais entreposé ma chaise. Je craignais de transmettre à mes descendants la maladie qui me ronge depuis de nombreuses années.
Jane!
J’ai répété plusieurs fois son nom.
Jane!
Je lui ai écrit un mot, elle comprendra, si elle le lit, un jour, pourquoi je ne voulais pas avoir d’enfants.
Quand les ténèbres ont enveloppé la ville, j’ai commencé à écrire sur l’eau paisible et noire de la Tamise. On écrit toujours sur l’eau des fleuves. N’est-ce pas? Il n’y a que cela pour se laver de ce crime. J’écrivais avec rage. Je voulais croire que j’arrivais à peine dans cette ville et qu’elle promettait de tresser une couronne de lauriers aux plus audacieux. Quelque chose me disait que tout pouvait redevenir comme avant et que cette ville ne retenait aucun crime contre moi.
J’ai attendu le soir.
Les marins amarraient leurs péniches.
Il faisait froid.
Je n’étais pas bien couvert, j’avais une simple veste militaire, que j’avais achetée aux puces, à Camden, il y a des lustres, et mes pieds étaient nus. Je n’avais plus de canne mais je me tenais bien droit; il y a longtemps que je voulais me débarrasser de ce bâton. J’ai bien entendu la voix d’un marin, semblable à celle de Senior Alves. Puis une autre, semblable à celle de Mrs. Jenkins. Sortez de là! Ils s’inquiétaient de ce que je faisais sur l’eau. Je n’avais pas loin à aller, vous savez cela, un étage seulement à gravir, pour regagner ma chambre.