Exclusivité-Le360. Ep11. Les bonnes feuilles de «Big Data Djihad», un roman de Hicham Lasri

Hicham Lasri montre son cinquième roman, «Big Data Djihad», paru aux éditions Outsiders. 

Hicham Lasri montre son cinquième roman, «Big Data Djihad», paru aux éditions Outsiders.  . Editions Outsiders

Artiste conceptuel et écrivain reconnu, Hicham Lasri fait un retour fracassant avec un cinquième roman, «Big Data Djihad», une déclaration de désamour sur fond de science-fiction et de frictions digitales, mais aussi le récit d’une catastrophe virtuelle, sans oublier une Revenge Fantasy. En voici les bonnes feuilles, un épisode après l’autre.

Le 22/10/2022 à 10h03

«Big Data Djihad», c’est une histoire d’amour vache, de réseaux sociaux HS, des émotions édulcorées, un Dieu qui ne compte que les larmes des femmes, un monde «qui pue la merde» car peuplé de «trous de balles». Dans un registre cru, Hicham Lasri dépeint donc une humanité enracinée dans la peur, qui fait le sel du monde moderne.

Le360 vous convie à découvrir les bonnes feuilles d’un roman décrivant un anti-héros génial, qui casse Internet pour punir une influenceuse qui l’a quitté, sans que toutes les polices du monde ne parviennent à savoir ni comment, ni pourquoi.

Le Grommeleur est un idéaliste, il est idéaliste d’une manière un peu tordue, comme s’il ne savait pas le sens exact du mot «idéaliste» à part sa définition vague dans la bouche d’un personnage de vieux cartoon des années 60. Un rêveur sans muscles ni nerfs. Rat-a-tac-tac-tac...

Derrière son stylo-bille, il ne manque pas de laideur dans sa puissance. Cette puissance est bien modeste si on enlève l’acronyme qui entoure toute cette opération. C.I.A.

Le Grommeleur est un homme modeste qui a toutes les raisons de l’être. Ce qu’il ne sait pas, ce pauvre fonctionnaire de l’Intelligence, c’est que je suis une figure déraisonnable au diapason d’une époque qui ne l’est pas moins. Je suis un freedom fighter, la chaussure enlevée devant la mosquée et le poing fermé et levé pour toucher les nuages! Le nouveau Spartacus! J’ai terrassé le dragon... et personne ne se rappellera que je l’ai terrassé pour une mauvaise raison, par égoïsme et par rage. Je serai l’objet de condamnations, anathèmes, autodafés et autres mises à l’index. Je m’en bats le blanc des yeux jusqu’à la mousse! Comme l’a dit le papy fumeur de Cubains:

«L’Histoire me sera indulgente, car j’ai l’intention de l’écrire.» Rat-a-tac-tac-tac...

Le pauvre Grommeleur ne sait pas que je suis à la fois un personnage d’avant-hier et d’après-demain, échappant totalement à l’emprise d’une prison prosaïque. Rat-a-tac-tac-tac... Et le Tommy Gun cesse de crépiter. Moujik ! Redneck! Sunday de pisse!

On peut commencer le dialogue.

- Vous êtes qui?

- Nous sommes tous des vers... Mais je pense que je

suis un ver luisant.

- Pardon?

- C’est de Churchill!

Rat-a-tac-tac-tac... Il a compris le message. Rat-a-tac-tac-

tac... Il commence le travail. Rat-a-tac-tac-tac... Le mot «travail» vient de tripalium, un instrument de torture.

La bonne affaire! Rat-a-tac-tac-tac... Ce qu’il ne sait pas, c’est que je suis déjà à l’agonie avec son stylo-bille.Rat-a-tac-tac-tac... Mes entrailles en désordre, mes idées en vrac, mon battement cardiaque en fausse note. Rat-a-tac-tac-tac...- C’est votre dernier mot?

- Non...

- Des aveux...

- Oui!

- Vous avez quoi à dire?

- J’irai vous applaudir lorsque vous serez enfin devenu

un vrai monstre...

- C’est une menace?

- Non, du Céline!

- Qui?

Rat-a-tac-tac-tac... Silence. Rat-a-tac-tac-tac... Silence.

Rat-a-tac-tac-tac...

Le Grommeleur ne semble pas content. Vexé comme une pucelle, il fait un pas en arrière, théâtralement, comme un coup de cymbale. Il recule et laisse apparaître une autre bête. Un tortionnaire probablement. Une tronche bien gothique de Totenkopf, l’œil chassieux, barbe de quatre jours, lippe dégoulinante, mains au fond des poches tâtant le dard, plus crado que jamais... Rat-a-tac-tac-tac...

Le Totenkopf s’aventure vers moi. Je peux voir les rides qui auréolent ses traits grossiers. Je lui souris... Je sens qu’il veut me faire le coup du plan Marshall... m’envoyer des bombes dans la gueule à m’en arracher la mâchoire et me prêter treize milliards pour me faire refaire la dentition après coup... Un peu de propagande du type Hollywood Smile... Il me prend pour un cinquième columniste...

Et la pluie commence. Ce fut un beau solfège, pizzicati coquins, accords, trémolos et arpèges, fantaisies à dix doigts. J’encaisse les coups comme je peux. Ça redresse le dos plutôt que le moral. Ma tête devient une radio où se bousculent les ondes dans mon oreille interne.

Par Le360
Le 22/10/2022 à 10h03