La salle couverte du complexe Mohammed V de Casablanca a vibré durant trois soirées consécutives au rythme de l’humoriste préféré des Marocains. Avec ses 5.000 sièges occupés presque jusqu’au dernier - à peine une centaine d’absents - le spectacle «Lui-même», le dernier one-man-show de Gad El Maleh, a fait salle comble.
Dès 19h, les spectateurs affluaient vers les trois accès du complexe: la catégorie 1, réservée aux tickets à 700 dirhams et aux sponsors; la catégorie 2, la plus convoitée avec ses billets à 500 dirhams; et enfin la catégorie 3 à 320 dirhams.
Ce samedi 27 septembre, troisième soir consécutif avant la quatrième et dernière représentation finalement reportée au lundi 29 septembre en raison du match du Wydad, Gad est monté sur scène en grande forme. Mais quelque chose avait changé.
Si son humour n’a rien perdu de sa vivacité ni de son acuité d’observateur, une nouvelle forme d’humilité s’invite désormais chez Gad Elmaleh. Le crâne blanchi, la barbe grisonnante, les traits marqués par le temps: à 54 ans, l’artiste porte les stigmates des années, mais son lien avec le public, lui, demeure intact. L’amour qu’il suscite n’a pas pris une ride. À quelques minutes du spectacle, à notre micro, les spectatrices interrogées étaient unanimes: elles louent sa marocanité, sa lucidité unique face à la société marocaine, et sa capacité à parler des Marocains… mieux qu’eux-mêmes.
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Comme à chacun de ses spectacles à Casablanca, Gad improvise, beaucoup — et il ne s’en est pas privé. Il évoque sa rencontre avec le Pape, ses visites incessantes chez les médecins — ophtalmo, ORL —, son échange avec Manon, une inconnue brillante croisée dans un train, son regard sur le mouvement MeToo, et surtout un moment inédit: son premier spectacle à 22 ans devant feu le roi Hassan II, au Palais de Skhirate. «Mon père m’avait accompagné… il tremblait. Il ne savait pas comment j’allais m’en sortir». Une anecdote qu’il n’avait jamais racontée aux Marocains. «En France, je ne peux pas raconter ça… ils ne comprendraient pas», lâche-t-il, avant d’ajouter dans un éclat de sincérité: «Je peux vous dire que quand on a 22 ans et qu’on joue devant Driss Basri… ça te forge.»
Autre fil conducteur du spectacle: la santé mentale. Aux premiers rangs, il aperçoit l’écrivain Tahar Ben Jelloun, auteur de «Moha le Fou, Moha le sage» et lui adresse un clin d’œil. Il enchaîne sur l’histoire touchante de Victor, un «fou» de son quartier devenu son ami. «Il m’invite à monter dans sa voiture pour me raccompagner chez moi… et je joue le jeu», raconte-t-il, avant de faire un callback sur sa quête de la femme de sa vie: «Celle que je choisirai devra comprendre Victor et entrer dans son jeu. Sinon, il ne pourra rien y avoir entre nous.»
Le spectacle fourmille de subtilités, relevées aussi par les jeunes talents que Gad Elmaleh inspire déjà. Parmi eux, Ethan Lalouze, lui aussi Marocain de confession juive, et Mimo Lazrak, qui ont assuré sa première partie le samedi 27 septembre. La relève, si ardemment souhaitée par l’humoriste, est-elle en marche? L’avenir nous le dira.








