Il ne s’agira pas dans cette chronique de tenir un journal de confinement, comme s’y essaient certains dans les médias et sur les réseaux sociaux. Primo, ça n’intéresse personne de savoir ce qu’on peut bien faire claquemuré chez soi en pyjama entre la cuisine, la salle de bain, la chambre et le salon.
Deusio, il y a quelque chose de profondément indécent à étaler son intimité confinée dans une résidence secondaire à la campagne ou dans un appartement cossu, lorsque le confinement, dans notre pays, s’avère très problématique pour des gens qui passent leur journée dans la rue, parce que vivre à dix dans un deux-pièces, c’est tout simplement insupportable et de l'ordre de l'inhumain.
Si on devait tenir un journal du confinement, il serait donc tout autre… Car de ce confinement, tout juste décrété chez nous au Maroc, on tire déjà bien des leçons et, déjà aussi, on entrevoit et on redoute ses limites.
Pour une fois, nous sommes «presque» tous sur un pied d’égalité. «Presque», parce qu’encore une fois, le confinement n’a pas la même résonnance selon qu’on habite une confortable villa ou une baraque faite de tôle et de parpaings dans un bidonville. On ne peut pas non plus se rassurer de la même manière en se réfugiant dans des montagnes de nourriture. Quant au télétravail, c’est un luxe que certains d’entre nous seulement peuvent se permettre. Pour les autres, la majorité des Marocains, la survie dépend désormais des aides sociales et on ne peut qu’espérer que, très vite, des mesures seront prises pour aider nos concitoyens.
Mais pour une fois, personne ne quittera le Maroc pour se faire soigner ailleurs. Nous serons tous logés à la même enseigne, celle des hôpitaux marocains. Une découverte, pour beaucoup d’entre nous…
Alors que faire? Céder à la panique parce qu’on redoute d’être bloqués dans ce pays qui est pourtant le nôtre, mais en lequel certains Marocains n’ont plus foi?
Non, et c’est là, la beauté de la chose, l’aspect positif du coronavirus. Ce virus, faute de nous diviser, a ravivé une flamme que certains pensaient être éteinte, celle de l’amour du pays envers et contre tout et tous.
Tous ensemble, dans ce pays qui est le nôtre et qu’on songe souvent à fuir, pour gagner des cieux croit-on plus cléments, les Marocains se sont unis, soudés pour soutenir, applaudir et appuyer les mesures instaurées par leur Roi et par leur gouvernement.
Des mesures prises au bon moment, relevant d’une stratégie intelligente et clairvoyante, qui nous ont rendu fiers, nous autres Marocains, de notre pays, malgré ses défaillances et malgré ses fragilités.
Nous, Marocains, ne nous faisons aucune illusion sur l’état de notre système sanitaire et éducatif. Cela fait belle lurette que l’on sait à quel point notre système hospitalier part à vau-l’eau. Que l’on sait que notre système éducatif n’est plus que l’ombre de lui-même. Et que ces deux facteurs, associés l’un à l’autre, sur fond d’inégalités sociales, sont le terreau fertile des marchands de religion.
Malheureusement, nous en avons eu une démonstration cette nuit dans les rues de Tanger et de Fès, où des hordes de jeunes gens ont décidé de marcher dans les rues, menés aveuglément par des prêcheurs de religion qui les envoient directement à la mort en les abreuvant de bêtises conspirationnistes.
Si le coronavirus est à craindre, on sait toutefois que ce danger sera un jour ou l’autre, bientôt on l’espère, éradiqué par un traitement.
Mais qu’en est-il de cet autre virus, encore plus redoutable, que représente l’ignorance alimentée par l’extrémisme religieux? Ce fléau-là représente un danger bien pire pour notre pays à long terme. D’autant qu’il est invisible, insidieux et se terre dans l’obscurité pour jaillir dans les moments de fragilité du pays.
Alors, en ces moments de confinement pour nous autres citoyens marocains, aujourd’hui presque tous logés à la même enseigne, celle de notre fragilité et de notre insignifiance humaine, le temps est venu de rêver à ce nouveau Maroc qu’il faudra aider à se relever, à se remettre sur pied et à reconstruire, quel qu’en soit le prix, afin d’ériger une trinité indispensable: la santé, l’éducation et l’égalité sociale.
Et enfin, de nos intérieurs confinés, il est temps aussi de rendre hommage à notre corps médical, à nos forces de l’ordre, à nos agents en charge de la propreté, à nos transporteurs de marchandises, aux commerçants qui assurent notre approvisionnement, aux mqaddems et à tous ceux et toutes celles entre les mains desquels reposent notre santé, notre salut et notre sécurité.