A quoi ressemblera demain? se demande-t-on cloîtrés dans notre confinement, en proie à une multitude d’angoisses, accrochés à notre fil d’actualité comme un malade à sa perfusion quotidienne.
Faut-il déconfiner maintenant ou attendre? Mais après tout le confinement était-il nécessaire, d’ailleurs certains pays ne l’appliquent pas? Faudra-t-il se faire vacciner? Faut-il prendre ce traitement ou se méfier des lobbies pharmaceutiques? Faut-il se poser des questions ou suivre les consignes?
Partout dans le monde, ces questions reviennent comme un leitmotiv. En cela, rien de bien nouveau sous le soleil. Et pour répondre à nos interrogations, Internet est une source inépuisable de contenus. Entre les médias traditionnels, les lanceurs d’alerte, les théoriciens du complot et les esprits dits libres, il y a à boire et à manger mais en aucun cas, de quoi calmer nos angoisses. Parmi celles-ci, la principale, la peur de mourir. Puis, pas très loin derrière, la peur de manquer mais aussi la peur de perdre sa liberté et bien entendu la peur de l’inconnu.
Alors que faire pour se rassurer? Certains se rassurent avec des pilules, d’autres augmentent leur consommation de drogue, histoire de planer au-dessus de cette réalité si sombre, d’autres se noient dans leur verre en y cherchant l’oubli plutôt qu’une solution ou encore se tournent vers la religion, en cherchant le salut dans la foi. Et parfois aussi, on met tout ça dans le même shaker, histoire d’être bien sûr de mettre toutes les chances de notre côté.
Et puis, au delà de nous les adultes, il y a ces enfants que l’on a fait, répondant ainsi à un besoin primitif (et purement égoïste reconnaissons-le) de perpétuer notre espèce. Quel genre d’adultes vont-ils devenir, eux exposés si jeunes à une société aussi détraquée, à un monde que l’on qualifie déjà de perdu?
Autant d’incertitudes et de craintes ont de quoi faire basculer un homme dans la folie. Mais fort heureusement, l’un des plus grands privilèges qui soient et dont nous disposons, comme on disposerait d’un don, est la faculté d’oublier.
Demain, cet autre jour qui aujourd’hui nous fait peur, nous ne nous souviendrons plus ou du moins presque plus de tous ces questionnements existentiels qui nous taraudaient. Demain, qui sera certainement un jour meilleur, nous serons passés à autre chose, et ce qui nous paraissait aujourd’hui inconcevable sera devenu la norme.
C’est quelque chose de terriblement effrayant que cette mémoire humaine qui oublie si vite, si prompte à passer à autre chose, si performante pour se reconfigurer et passer d’une norme à une autre. Car comment ne pas reproduire les mêmes erreurs si on fait table rase de tout? Comment se perfectionner si on n’est pas prêt à se confronter à nos peurs?
Fort heureusement, pour se souvenir et tirer des enseignements de cette réalité si fugace soit-elle, il existe un moyen, qui lui traverse les âges sans dépérir, la culture. Parent pauvre des politiques et des médias en cette période de pandémie, la culture et ceux qui l’incarnent, de l’écrivain à l’artiste, sont pourtant d’une importance capitale.
Aujourd’hui plus que jamais, il est important de lire, de s’imprégner de mots qui traversent les âges et ne perdent rien de leur réalisme, de se cultiver pour se rendre compte que l’histoire se répète de bien des façons quitte à relever souvent de la prémonition. Lire pour ne pas être dupe. Lire pour éveiller sa conscience. Lire pour ne pas sombrer dans l’oubli. Se cultiver comme on cultive une terre pour la rendre féconde.
Parmi ces lectures qui sont lourdes de sens, qui traversent les âges sans jamais prendre une ride, et qui ont d’autant plus de profondeur qu’on ne cesse de s’interroger sur notre devenir, il y en a une en particulier dont le titre est en soi une invitation à la réflexion: “Le meilleur des mondes“, d’Aldous Huxley. Un roman d’anticipation qui, bien qu’écrit en 1931, est aujourd’hui d’une actualité brûlante.