Le voile fait à nouveau son apparition sur la scène politique et médiatique française et suscite des débats plus virulents que jamais, à tel point que le combat des gilets jaunes est passé à la trappe.
Depuis l’attentat de la préfecture de police à Paris et l’appel du Président Macron à faire bloc contre «l’hydre islamiste», politiques, médias, établissements scolaires et universitaires affichent la même ambition: faire la peau au voile.
Sans filtres. C’est ainsi que politiques et éditorialistes abordent aujourd’hui le sujet du port du voile dans les médias. Fini le temps où Zemmour faisait figure d’exception sur les plateaux dans son rejet de tout ce qui pourrait entacher de près ou de loin sa vision de la laïcité.
Aujourd’hui, la coupe est pleine pour une certaine France qui assimile désormais au grand jour le port du voile à une idéologie fasciste et assume ses propos.
"Comment un simple bout de tissu peut-il déchaîner autant de passions?", se demande-t-on face à l’ampleur de la polémique quand d’autres réfutent la simple définition textile de cet accessoire pour pointer du doigt sa fonction idéologique et donc politique.
Radicalisation, soumission, lavage de cerveau, idéologie, terrorisme, culture hallal, propagande, djihadisme, terrorisme, embrigadement, charia… Des mots qui claquent comme des coups de fouet au visage de ceux qui ne se retrouvent pas dans ce débat et qui sentent les choses leur échapper, la situation déraper. Des mots dont la presse et les politiciens raffolent.
Des mots qui sèment la graine de la peur de l’autre.
Un cocktail linguistique explosif qui, une fois passé au shaker, aboutit à une nouvelle définition de l’islam, religion belliqueuse, haineuse aux ambitions conquérantes.
D’un côté, la France laïque, et de facto libre de toute entrave religieuse, incarnée par le buste d’une Marianne aux seins nus entrée dans la postérité grâce à Delacroix, qui en a fait la métaphore de la liberté guidant le peuple. De l’autre, des femmes françaises elles aussi, pour la plupart, mais qui conçoivent différemment l’expression de leur religion et de leur liberté.
Qui a tort et qui a raison? C’est une question stérile qui occasionne pourtant des débats sans fin en France, alors même que dans d’autres pays laïcs, qui ont donc séparé la politique et la religion, la question du voile ne se pose pas.
Cette exception française est d’ailleurs vue comme une bizarrerie dans les pays anglo-saxons, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou le Canada, où la mixité des cultures est plutôt considérée comme une richesse.
La question qui se pose plutôt, à notre sens du moins, est: pourquoi cette attention si forte, si virulente portée sur les femmes? Si l’on en est aujourd’hui au point de confondre islam et radicalisme, pourquoi les femmes, qui ne représentent pourtant qu’un infime pourcentage des terroristes dits islamistes, sont-elles aujourd’hui jetées en pâture? Pourquoi s’acharne-t-on contre elles plutôt que sur des hommes qui portent la barbe, un kamiss, un sarouel ou affichent au centre de leur front une zebiba?
Pourquoi la France, qui a bien du mal encore à défendre les femmes sur son territoire, dont l’arsenal juridique ne protège pas celles qui sont victimes de violence, qui peine encore à prévenir les féminicides, qui n’a pas encore réussi à appliquer les notions d’égalité et de parité dans ses institutions tant publiques que privées… Pourquoi cette France-là est-elle tant préoccupée par la question de la soumission des femmes voilées aux hommes?
Une obsession typiquement française analyse la presse anglo-saxonne. Oui, une obsession, qui sous prétexte de libération de la femme cache aussi d’autres fantasmes…
Pour preuve, les dernières statistiques de la plateforme de vidéos pornographiques Xhamster, qui dévoilait cet été que les tags les plus recherchés en 2019 en France sont les mots «beurette», «arabe» et «marocaine»… Qu’il a la peau dure le fantasme orientaliste de la femme arabe soumise. Là où les Occidentaux fantasmaient sur la femme indigène ne voilant sa nudité que pour mieux en accentuer le désir, aujourd’hui, c’est ce même voile, naguère accessoire érotique, que l’on fustige.
Et au Maroc? La laïcité prend un autre visage que celui d’une Marianne au buste fier, nu et qui se veut porteuse d’autres ambitions. Celle de barrer la route à une idéologie islamiste et conservatrice qui prend bien d’autres visages que celui d’une femme voilée.
De par chez nous, ce ne sont pas celles qui portent le foulard islamique que l’on fustige mais bien les partis politiques et les courants religieux qui se nourrissent d’influences étrangères à notre pays, à notre culture, qui ont pesé dans le choix de ces femmes à se voiler.
Taper sur la femme voilée pour dénoncer une idéologie, c’est se tromper de combat et d’ennemi, et revient en quelque sorte à masquer son inertie face à un problème bien plus grand derrière un écran de fumée.