C’est l’histoire d’une femme qui perdit son amoureux de longue date en raison d’un cafard.
Confortablement installés dans un canapé, au coin du feu, ambiance romantique dans l’air, un cafard qui en venait à passer par là sapa la soirée des deux tourtereaux.
Bondissant de son canapé, la femme qui en oublia toute sa grâce, sa féminité et donc sa fragilité, tua la bestiole d’un coup de sandale fatidique.
Puis se retournant vers son preux chevalier qui n’avait pas moufté face à la menace, elle lui trouva un visage blême.
«Voilà pourquoi j’ai toujours hésité à te demander en mariage» lui dit-il. «Toi tu es un Simohammed, tu n’est pas une femme, et moi je ne veux pas épouser un Simohammed» poursuivit-il dans un souffle.
«Face à ce cafard tu aurais du monter sur le canapé, crier, pleurer, pour que moi, l’homme, je te vienne en aide, mais non, tu as affronté la menace comme un homme… que tu n’es pas.»
La morale de l’histoire (selon la désormais célèbre coach et spécialiste des métaphores): cultivez votre féminité mesdames, quitte à feindre la fragilité et la peur, pour valoriser l’égo de ces messieurs. Soyez une lionne au travail mais une fois passé le pas de votre porte, apprenez à miauler comme une chatte. C’est comme ça qu’on garde un homme pour la vie.
C’est dans une vidéo que cette histoire de séparation aussi ridicule que triste, et qui aurait presque sa place dans la bibliographie de Lafontaine, nous a été contée par Dame la coach.
Depuis, nous sommes nombreux à avoir commenté la chose et à l’avoir discuté aussi entre amis ou conjoints.
Ce qui en ressort, c’est que beaucoup d’hommes au Maroc sont en général d’accord avec cette idée, d’autant plus quand la femme en question occupe un poste à responsabilité.
D’un côté, on aime que sa femme travaille, on en est fier, et puis son salaire confortable arrange bien des choses aussi.
Mais, parce qu’il y a un mais: hors de question pour autant qu’elle continue d’endosser sa casquette de chef une fois rentrée à la maison. Il lui faudra l’accrocher, à l’entrée, un peu comme on dépose les armes, pour enfiler une toute autre tenue, celle de la femme qui se soumet devant plus fort qu’elle.
Pour cette espèce d’hommes, qui ne supportent pas d’être présentés comme «Monsieur Flane, le mari de Madame Flane», la situation est fort stimulante et la chose ne serait pas aussi amusante si la femme considérait la soumission comme une évidence.
Non, ce qui est surtout challengeant, c’est de parvenir à soumettre une femme qui ne l’est pas ailleurs. De faire courber la tête à une dominante. De la faire passer du rugissement au miaulement sans même avoir besoin de faire claquer son fouet.
Une fois parvenu à cela, leur virilité, ou du moins la notion qu’ils en ont, grimpe en flèche. Les voilà requinqués dans leur confiance en eux-mêmes… du moins pour un temps. Car avec ce genre de femmes, capables de switcher d’une personnalité à une autre, on ne sait pas à quoi s’attendre.«Laquelle est la vraie?», se demandent-ils, soudain pris d’une angoisse.
«Quand jouent-elles la comédie?», «Au boulot ou à la maison?».
Et nous, dont certaines font partie de ces femmes-là? Pourquoi accepte-t-on de jouer ce rôle? Pourquoi sommes-nous encouragées par d’autres femmes, y compris par des coaches, à mentir à l’autre et à nous-mêmes?
La virilité est-elle à ce point en danger, à ce point fragile que nous nous sentons obligées de nous rabaisser pour mieux la caresser dans le sens du poil?
Quel péché originel avons-nous donc bien pu commettre pour nous sentir ainsi obligées de préserver la paix dans le foyer en apprenant à devenir schizophrène et en perpétuant alors de génération en génération, bien malgré nous, un schéma tronqué?
N’est-il pas enfin temps que l’homme se remette en question, repense sa notion de la virilité sans pour autant la confondre avec le machisme, afin de faire de la place à sa femme. La vraie femme et non cette fausse image qu’elle lui donne pour qu’il entretienne lui-même cette fausse image de l’homme qu’il n’est pas.