Avant de parler d’honneur, parlons de justice.
Deux ministres du parti au pouvoir, le PJD, viennent de faire honte à leur fonction. L’un comme l’autre n’ont pas déclaré à la CNSS leurs employés. Tous les Marocains sont au courant de ce scandale, d’autant plus que l’un, Mustapha Ramid, est ministre d’Etat chargé des droits de l’homme et l’autre, Mohamed Amekraz, ministre du Travail. Ils devraient en principe donner l’exemple, se montrer dignes de leur fonction et tout faire pour servir le peuple.
Cette ironie du sort ne me fait pas rire. Hélas, ce n’est pas une exception. Le Marocain n’est pas d’emblée traversé par le juridique. C’est une vieille habitude qui fait que le respect de la loi et du droit relève de quelque chose qui ne correspond pas à certaines mentalités. On a pris l’habitude de mal payer les «petites gens», les «gens de peu» d’après le titre du livre de Pierre Sansot, ou «Des vies minuscules» (Pierre Michon), les gens sans voix, les laissés-pour-compte. La pauvreté n’est pas photogénique. On écrase le pauvre et on continue son chemin, ensuite on se rend à la mosquée et on prie comme si de rien n’était.
L’esprit d’exploitation d’une main d’œuvre facile et sans exigence est assez répandu dans le pays. S’il y a tant de pauvres, c’est aussi parce qu’ils sont mal payés quand ils trouvent un travail. Et ce sont des gens riches, très riches, qui profitent de la misère des pauvres pour ne pas les rétribuer correctement. La chose s’aggrave et prend une autre dimension quand ce sont des ministres, des personnes qui siègent dans un gouvernement et sont parfois en face du Souverain, Sa Majesté Mohammed VI.
Un employé qui travaille sans CNSS, cela veut dire qu’il ne dispose d’aucune sécurité. S’il tombe malade, il devra payer de sa poche, et le médecin et les médicaments. S’il est licencié, il n’a droit à rien. Il n’a même pas le droit à une retraite. C’est ainsi qu’on devient riche, sur le dos des pauvres. Cette situation nourrit des colères muettes, des rages qui creusent le ventre et puis un jour, c’est la révolte.
Ces deux ministres devraient non seulement payer la CNSS depuis le premier jour où ces employés ont été embauchés, mais répondre devant la justice de l’illégalité de leur comportement.
Cela est le minimum. Ensuite, s’ils ont, ne serait-ce qu’un petit peu, le sens de l’honneur, ils devront démissionner et présenter des excuses à ceux qu’ils ont spoliés. Par ailleurs, on peut se demander ce que font les ministres du gouvernement et le premier d’entre eux, lequel est le chef de leur parti? Peut-être trouvent-ils cela normal?
Tant que ce genre de personnes, se présentant comme défenseurs de l’islam et de ses valeurs, lesquelles sont manifestement trahies, parviennent au pouvoir, cela veut dire que par leur conduite, ils empêchent le pays d’accéder à l’Etat de droit. Nous sommes encore dans un pays où l’on s’arrange, où on triche, on corrompt et on piétine les droits élémentaires des citoyens.
Mais le pays ne leur appartient pas.
Pour le moment, la démission de ces deux ministres qui ont commis une faute, serait la moindre des choses et ainsi, ils auraient au moins respecté le peuple marocain, qui les connaît et sait ce qu’ils font et ce qu’ils valent.