Il faut avoir les nerfs solides en ce moment pour ne pas céder aux provocations de plus en plus graves des séparatistes qui ne font qu’obéir aux ordres de l’Algérie. Ce pays qui, au lieu de s’occuper de résoudre les problèmes de vie quotidienne de son peuple, au lieu d’en finir avec une politique basée sur la haine et la jalousie, au lieu de s’engager dans un développement rationnel et cohérent de ses richesses, cet Etat s’accroche à une vieille névrose qu’il cultive jusqu’à l’obsession. Son ministre des affaires étrangères qui, comme dirait Jean Cocteau, porte son âme sur son visage, est englué dans la hargne qui le pousse à faire feu de tout bois pour porter atteinte à la dignité et à l’honneur du Maroc.
Il faut avoir les nerfs bien solides pour continuer à respecter le peuple algérien, victime d’un régime militaire qui vit encore avec les vieux clichés des années soixante. Quand on sait, comme l’a rappelé Kamel Daoud, que toute une génération d’Algériens et de Marocains qui ont aujourd’hui vingt ans ne connaissent rien des deux pays. A cause des frontières fermées, à cause d’une animosité entretenue par tant de moyens, des jeunes des deux pays ne savent rien les uns des autres. Le drame est là. On a fabriqué une génération qui ignore tout du Maghreb et se nourrit d’une vision caricaturale et fausse. Ces jeunes gens sont privés de rencontres où ils pourraient échanger leurs idées, leurs rêves, leurs utopies. Ce sont ces jeunes gens qui, si le malheur s’en mêle, seraient jetés dans une guerre absurde et inutile.
Quand j’étais jeune, j’ai vécu avec ce malheur en suspens. Il y a même eu une petite guerre, appelée «guerre des sables» au mois d’octobre 1963. J’étais étudiant et le Maroc fut obligée de répondre à une énième provocation de l’armée de Ben Bella, lequel sera renversé deux ans plus tard et remplacé par pire que lui, le fameux Boumedienne qui formait une paire dangereuse avec le jeune Abdelaziz Bouteflika, né à Oujda. Miné par la jalousie et la haine systématique de la monarchie, ces deux dirigeants vont s’employer à pourrir les relations entre les deux pays, allant jusqu’à applaudir à Casablanca le projet de récupérer les territoires du sud, occupés à l’époque par l’Espagne, et le lendemain renier leur appui et créer à toute vitesse un mouvement de libération de ces mêmes territoires. Depuis, l’Union du Maghreb est en panne et ce conflit artificiel est utilisé tout le temps par l’Algérie pour empêcher le Maroc de vivre en paix.
Il serait bon que les hommes politiques marocains de cette époque et qui sont encore en vie apportent leur témoignage pour que les jeunes générations soient informées sur l’origine et les soubassements de ce que la presse étrangère appelle «le conflit du Sahara occidental».
Il est dommage que nos hommes politiques ne prennent pas la plume et racontent leurs souvenirs. Posez la question aujourd’hui à un jeune homme algérien et demandez lui de vous dire ce qu’est ce conflit. Vous verrez qu’il n’est pas réellement et objectivement informé. Il vous dira même que l’Algérie n’y est pour rien, et qu’elle n’est nullement concernée! Un fait est certain: il n’en a rien à faire de ce conflit.
Le plus grave dans les agitations des séparatistes, actuellement, c’est ce fond d’ignorance et d’incompréhension. Cela fait 43 ans que cette situation dure. Tindouf, terre originellement marocaine, annexée par la France le 31 mai 1934 (par le colonel Trinquet sous les ordres du général Giraud), est devenue algérienne au moment de l’indépendance et est aujourd’hui le territoire des camps où sont parqués des gens qui survivent dans le mensonge et les promesses de l’Etat algérien. Tout cela est le résultat d’une fraternité trahie.
Durant la guerre de libération de l’Algérie, le Maroc n’a pas cessé d’aider ses «frères» de combat et leur a fourni tout ce qu’il pouvait leur offrir comme moyens matériels et politiques. Dans la famille on ne négocie pas la solidarité. Une fois l’indépendance obtenue, la joie du Maroc était aussi grande que celle du peuple algérien. Mais personne ne s’imaginait que ces mêmes hommes, aidés et soutenus par le Maroc, allaient se retourner contre lui et en faire leur ennemi principal. Le Maroc n’a pas réclamé Tindouf, pourtant promise à Tanger par des membres du FLN réunis en 1958. Le Maroc a accepté les frontières telles qu’elles avaient été dessinées par le colonialisme. Tout cela dans l’espoir de vivre dans la paix avec le voisin et frère de l’Est. Erreur! Nous vivons aujourd’hui encore les séquelles de cette erreur. Le 18 décembre 1975, Boumedienne donne l’ordre à l’armée d’expulser 45.000 familles de Marocains installés depuis des décennies dans ce pays, expulsions exécutées en quelques heures dans des conditions horribles. Ce drame dont on a oublié aujourd’hui la gravité, fut la réaction du gouvernement algérien à la Marche Verte.
Le Maroc croit aux résolutions des Nations Unies et à la diplomatie. Le roi et tout le peuple marocain sont assez sages pour ne pas tomber dans le piège d’une guerre qui fera la joie des marchands d’armes et de mort. En même temps, sa diplomatie a informé les responsables algériens de sa détermination face à l’inadmissible.