Les élections françaises ont été suivies au Maroc avec un grand intérêt. Je me suis demandé pourquoi. Les familles que je connais sont toutes branchées sur les chaînes françaises. Il m’arrive d’apprendre des choses sur la France par des amis marocains qui aiment suivre les débats sur des chaînes aussi contestables que Cnews ou BFM.
Dimanche 19 juin, je rentrais d’Agadir. En atterrissant, j’ai trouvé des messages d’amis de Casa qui me donnaient le piteux score de Macron. 58,5% alors qu’en 2017, il avait obtenu plus de 66% des voix face à Marine Le Pen.
Cette élection sans majorité pose un problème d’ordre psychologique et politique.
Ce qu’on constate, c’est qu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir sans avoir vécu. Il n’a connu que des succès. François Mitterrand ou Jacques Chirac s’étaient plusieurs fois présentés à l’élection présidentielle. Ils avaient échoué. Ils avaient été ministre, député. Ils avaient vécu des épreuves de la vie politique qui forment un homme et lui donnent de l’expérience. Pour eux, rien n’a été facile. A Macron, tout a réussi très vite. Il aurait dû s’en méfier.
Macron, n’a pas eu à passer par des épreuves, des difficultés. De la banque Rothschild il est passé à l’Élysée où il a occupé le poste de secrétaire général numéro 2 sous François Hollande. Ensuite, il a été nommé ministre de l’Economie.
Débordant d’ambition, il a lancé son mouvement «En marche», qui lui a permis de se présenter à l’élection présidentielle et de gagner grâce au cas particulier de la candidate du Front national, Marine Le Pen.
Entre-temps, il avait réussi à détruire la droite traditionnelle et la gauche socialiste. Il a navigué entre ces deux pôles en ne pensant qu’à sa propre personne. «On n’aurait pas dû voter pour un homme qui n’a pas d’enfants». Cette phrase est terrible et blessante. Elle a été prononcée par un déçu du macronisme. Oui, quand on a des enfants, on connaît des angoisses, des peurs, des urgences, bref la vie.
Enfant gâté, il a mené une vie de succès en succès. A chaque fois qu’il rencontrait Donald Trump, il était heureux comme un enfant qui serrait la main du Père Noël.
La même chose quand il a vu Poutine au mois de février, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Entre Poutine et lui, il y avait six mètres de distance. Il pensait qu’il allait influer sur les décisions de Poutine.
Un homme politique qui a de l’expérience, sent tout de suite le piège ou l’absence de sincérité de la personne en face de lui. Macron était content de parler avec Poutine. On ne saura jamais si Poutine était content. Juste après cette entrevue, Poutine a lancé ses armées sur l'Ukraine.
Macron voyage. Macron serre des mains. Macron se croit important. Voilà que les Français viennent de lui signifier qu’il n’est pas à la hauteur de la fonction. Le quotidien Libération a titré en pleine page «La gifle».
Avec 245 sièges à l’Assemblée, il ne pourra pas faire passer les lois qu’il présentera.
Il va devoir gouverner sans majorité. C’est une épreuve difficile qui va le mettre face à ses insuffisances, à ses erreurs, à son arrogance.
Pendant la campagne électorale, il est parti en Roumanie puis à Kiev. Les Français ne comprenaient pas pourquoi il ne participait pas à la campagne des législatives. Il a dû se dire: je suis au-dessus de ça! J’aurai une majorité absolue pour gouverner.
Ses meilleurs amis, ses soutiens depuis le début comme Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, et Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale, n’ont pas été élus députés. Ni son ancien ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Trois de ses actuels ministres devront quitter le gouvernement pour avoir échoué aux élections législatives.
Pendant ce temps-là, les militants du Rassemblement national (ex-Front national) ont travaillé sur le terrain et ont pour la première fois obtenu 89 sièges à l’Assemblée. C’est historique.
Cette victoire, ils la doivent à Macron, à sa politique, à sa façon d’être.
Il paraît qu’il n’écoute personne. Il avance seul et pense qu’il peut tout faire. A présent, il va devoir reconnaître son échec. Ce n’est pas facile. Mais l’échec est là, indéniable. Certains disent qu’il dissoudra l’Assemblée. Jacques Chirac l’avait fait en avril 1997, il l’a regretté toute sa vie.