Pour une pédagogie contre le terrorisme

Famille Ben Jelloun

ChroniqueNe faut-il pas commencer par l’école primaire? Aucun enfant ne porte dans ses gènes le terrorisme. Aucun enfant n’arrive au monde dans le but de tuer et de massacrer son prochain. C’est pour cela qu’il faut instaurer un cours d’éducation civique consacrée à la lutte contre le terrorisme.

Le 28/10/2019 à 11h03

Nous sommes chaque fois reconnaissants aux éléments de la BCIJ qui arrivent à démanteler des groupes d’individus décidés à nuire à leur patrie et à tuer leurs concitoyens. Mais peut-être n’ont-ils aucune idée de ce qu’est une patrie ni ce qu’est un citoyen. Ils viennent d’ailleurs, d’une terre brûlée, issus probablement d’une erreur, une faute, un sort voué au tragique.

Pas une semaine sans que la presse ne relate ces découvertes, les dernières ont eu lieu à Tamaris, Ouezzane et à Chefchaouen.

Ils sont souvent jeunes, l’allure vague et le regard hagard. On exhibe les armes et les produits chimiques destinés à fabriquer des bombes. Cela dure depuis une dizaine d’années. Ainsi des Marocains auraient fait allégeance à la centrale terroriste Daech et étaient en train de préparer des attentats qui auraient fait le malheur de notre pays.

Hier, dimanche 27 octobre, le président Trump a été fier d’annoncer la mort du créateur du pseudo «Etat Islamique», l’Irakien Al Baghdadi, autoproclamé Calife. Une mort apparemment certaine. Oui, l’individu est mort, pas son esprit et son plan de faire de l’islam une religion de haine et de guerre, ce qui est absolument contraire à l’esprit et à la lettre de cette religion. Donc, le terrorisme au nom de l’islam n’est pas mort. D’autres attentats auront lieu quelque part dans le monde. La dernière intervention turque contre les kurdes a été une bonne occasion pour des mercenaires de reprendre du poil de la bête.

Comment des individus en arrivent-ils à cette extrémité, à cette horreur et à cette stupidité? Pourquoi tant de haine? Qui a pu remplir leur cœur et leurs tripes de cette haine des autres? Certes, la vigilance populaire alliée à l’efficacité de la police et du renseignement, réussissent à nous sauver, pour le moment, de cette terreur. Mais jusqu’à quand se contentera-t-on du travail de la police? Ne faut-il pas réfléchir à ce phénomène et en faire le sujet d’un grand débat national ? Nous avons besoin de savoir pourquoi des citoyens marocains se réveillent-ils un jour avec l’idée entêtée de détruire leur pays? D’où vient cette folie meurtrière? Comment ils y arrivent et par quels chemins parviennent-ils à se convaincre que leur vie ne vaut rien et qu’elle pourrait avoir un sens dans la mort, la leur et celle de plusieurs innocents? D’où viennent les armes et l’argent?

Il faut certes prévenir, fouiller les bas-fonds de la société, aller au-delà de la technique répressive. Ne faut-il pas commencer par une pédagogie civique dès l’école primaire? Aucun enfant ne porte dans ses gènes le terrorisme. Aucun enfant n’arrive au monde dans le but de tuer et de massacrer son prochain. C’est pour cela qu’il faut instaurer un cours d’éducation civique consacrée à la lutte contre le terrorisme, qui est devenu le fléau planétaire qu’on sait.

Ce cours pourrait se généraliser et concerner toutes les classes jusqu’à la terminale. En même temps, il serait important d’accompagner cette campagne de lutte par la révision des manuels scolaires et leur nettoyage des stupidités qu’ils font circuler à propos de l’islam et du statut de la femme.

En plus de la pédagogie, la lutte devrait couvrir les réseaux de la propagande qui pourrit les têtes de ces individus et charger les médias de mener scientifiquement cette lutte. Il s’agit d’une mobilisation générale. Daech ne renoncera jamais à vouloir faire des attentats dans notre pays. La résistance du Maroc, la détermination de la population à rejeter le terrorisme, la grande vigilance policière ont été jusqu’à présent probants. C’est pour cela qu’il faudra aller au-delà. Ce n’est pas parce que Al Baghdadi est mort que ses adeptes vont renoncer à la poursuite de leur funeste engagement.

Tout le monde sait qu’un attentat sur le territoire du Maroc aura des conséquences autrement plus graves que n’importe quel massacre commis en Europe. Chez nous, la première victime, ce sera le tourisme. Les divers attentats qui ont eu lieu à Paris en 2015 n’ont pas découragé les 90 millions de touristes qui fréquentent la France. Que ce soit la Tunisie, l’Egypte ou le Maroc, chaque attentat terroriste a entraîné une crise économique importante. Ce sont les peuples qui supportent les conséquences de ces agressions contre la paix, contre l’islam, contre les lumières.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 28/10/2019 à 11h03