La presse et les réseaux sociaux marocains s’enflamment pour le retour, en principe de courte durée, d’un chanteur accusé de viol et de violence. L’information est à la Une, partout. Loin de moi l’idée de juger cet artiste qui a des fans comme un footballeur ou un acteur de cinéma indien. Ce n’est pas mon propos ni mon envie. J’ai dû entendre une fois ou deux une de ses chansons, ce qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Mais passons. Comme on dit, le moindre mouvement de cet homme en liberté provisoire (il portait un bracelet électronique qui indiquait ses déplacements), fait le buzz et fait oublier l’essentiel. Qu’importe, la paresse et l’insignifiance sont partout. C’est l’époque du rien, du n’importe quoi, du bruit et de la fureur sans importance. C’est le triomphe de la vulgarité et de la médiocrité sous label de la liberté d’expression.
Pendant ce temps-là, la machine à tuer et à massacrer le peuple syrien est en marche, aidée en cela par Poutine, l’Iran et son double sur le sol libanais, le Hezbollah. Tous les jours des civils, enfants et leurs parents meurent sous les bombes que l’armée de Bachar al Assad pourchasse jusqu’au dernier, car, dit-il, ces enfants sont des terroristes ou de futurs opposants à son régime et, s’ils grandissent, ils vengeront la mort de leurs pères et mères. A ce jour, on compte mille civils tués dont deux cents enfants. Tous estampillés terroristes évidemment!
Le plus monstrueux massacreur de son peuple, Bachar al Assad, est père de famille. Chaque soir, après s’être lavé les mains du sang qui dégouline, il va border ses rejetons et leur raconte des histoires pour qu’ils dorment en paix et fassent de beaux rêves.
L’éducation que son père Hafez al Assad lui a donnée est simple: ne laisser en vie aucun opposant. Le 2 février 1982, en une nuit, l’armée de Hafez al Assad avait réussi à éradiquer plus de vingt mille personnes à Hama. Famille de tueurs. Famille criminelle. La honte la plus insupportable du monde arabe. Ce même dirigeant ordonna le 4 septembre 1981 l’assassinat de Louis Delamarre, ambassadeur de France à Damas. Crime resté impuni. La France a protesté mais n’a rien pu faire. Sarkozy avait même invité Bachar al Assad à assister au défilé du 14 juillet.
Aujourd’hui cette même armée, composée de soldats alaouites, arrête les femmes, les viole et filme ces atrocités qu’elle envoie ensuite à la famille pour prévenir de quoi est capable le clan de Bachar. L’horreur absolue n’a plus de secret pour ce clan. (Voir le reportage terrible de Manon Loizeau «Les cris étouffés des femmes syriennes violées» passé sur France 2 en décembre 2017).
Pendant ce temps-là, des adolescents palestiniens ne peuvent pas sortir de leur camp à Gaza, car l’embargo israélien est sans pitié et l’Egypte aide Israël à maintenir ce peuple sous occupation. Celui qui ose résister est un terroriste. La police ne cherche pas à l’arrêter et à le juger, elle l’abat et détruit sa maison avec des bulldozers en plein jour. Pendant ce temps-là, l’Egypte signe un contrat pour l’achat à Israël du gaz. (Voir la tribune de l’historien israélien Zeev Sternhell «En Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts», Le Monde du 20 février 2018).
Pendant ce temps-là, l’Arabie saoudite poursuit sa guerre contre le Yémen où sévit la crise alimentaire et sanitaire la plus horrible de ce siècle. Guerre oubliée, négligée.
Pendant ce temps-là, elle signe avec Trump des contrats d’armements de trois cents milliards de dollars. Entre temps, cette même Arabie saoudite achète un tableau de Leonard de Vinci au prix record de 450 millions de dollars, somme qui aurait pu être utilisée pour construire plus de mille logements pour les Palestiniens de Gaza.
La liste est longue des paradoxes et trahisons de ce monde arabe qui n’est pas un monde et encore moins une entité unie, mais un concept vide de sens et de réalité. Le monde arabe n’existe pas. Les peuples quant à eux souffrent de cet état de fait depuis longtemps. Il y a des Etats arabes qui se font la guerre depuis toujours et en face il y a un Etat, peut-être le plus puissant du monde, Israël, qui profite de ces divisions et de ces trahisons pour poursuivre sa politique d’occupation et de colonisation.
Il n’y a pas de quoi être fier. C’est pour cela que le Maroc devrait cultiver sa spécificité, son originalité, son identité et rester à l’écart de ce monde où comme dirait un humoriste, «la seule chose qui est positive au Proche Orient, c’est la température!»
A notre niveau, nous avons été incapables de faire vivre une union des pays du Maghreb. Des frontières sont fermées. Un conflit artificiel est entretenu par l’armée algérienne depuis plus de quarante ans. La Libye n’est pas un Etat mais une addition de tribus vivant dans le chaos et la guerre. Le Maroc résiste dans un cadre de tensions et de menaces. Pendant ce temps-là, ce qu’on appelle assez vite «le monde arabe» agonise dans l’indifférence générale. Ce qui n’empêche pas les polices de frontières dans le monde de suspecter tout voyageur porteur d’un passeport d’un de ces pays dits arabes et même de lui refuser l’entrée sur leur territoire.