Je suis sûr qu’avant de dormir, Bachar al Assad passe dans la chambre de ses enfants, leur raconte une histoire douce, les borde et leur souhaite une bonne nuit et de beaux rêves. Une nuit où aucun bombardement ne viendrait les réveiller et leur faire peur, où aucun soldat n’envahira leur chambre un sabre à la main pour les découper en morceaux, une nuit où aucun gaz, aucune poudre chimique ne viendront piquer leur nez puis les étouffer dans leur sommeil, une nuit où le toit de leur maison ne tombera pas et les engloutira dans une tonne de gravats et de poussière. Une nuit calme et heureuse.
Une nuit où le corps sera reposé et réparé pour aller le lendemain à l’école apprendre l’histoire et la géographie, la littérature et les arts, l’écriture et la musique. Une nuit hors du temps, loin de la guerre, loin du sang que fait verser leur père jour et nuit, parce que c’est ça son métier, tuer les innocents et les autres. Il a été formé par son père, un brave homme qui s’était illustré à Hama en massacrant vingt mille personnes en l’espace d’une nuit, une longue nuit de février 1982.
En bon père de famille, Bachar aime ses enfants. Il les protège et leur garantit un avenir radieux. Il a raison. C’est pour cela qu’il a décidé de tuer tous les Syriens qui ne sont pas d’accord avec lui. Qu’il y ait des enfants dans les massacres, c’est aussi normal. Ce sont des victimes collatérales. On ne va pas pleurer pour quelques enfants qui sont passés par un cauchemar qui les a précipités en enfer. La prochaine fois, son armée fera mieux le travail. Il n’y aura plus d’enfants pour être pris en photo et témoigner sur l’horreur que fait subir ce salaud à son peuple. Il faut les exterminer.
Ceux qui ont grandi sont morts en prison. Amnesty International évoque dans un rapport publié le 18 août le cas de 17.723 morts sous la torture dans les prisons de Bachar. Ce qui fait une moyenne de 300 morts par mois depuis mars 2011. Accusé de crimes contre l’humanité, Bachar n’est nullement inquiet. Il continue de vaquer à ses occupations, à liquider son peuple tout en se préoccupant de la santé de ses trois enfants qu’il regrette de ne pas voir plus souvent. Evidemment la situation s’est compliquée avec l’intervention des djihadistes qu’il avait libérés des prisons justement pour créer la confusion entre les opposants et les islamistes prêts à sortir leurs sabres pour couper les têtes.
Il n’empêche, le monde entier assiste à ces crimes quotidiens sans broncher. On le laisse faire et certains l’aident. Quand s’arrêtera-t-il? A quel chiffre de morts son appétit sanguinaire sera-t-il rassasié? Pour le moment, on s’approche des trois cent mille victimes. Plus de 4 millions de Syriens errent dans le monde à la recherche d’un refuge.
Le petit Omran est là, survivant, mais le visage et la tête pleine de cruauté déversée sur des milliers d’enfants comme lui, des enfants qui ont l’âge de Hafez, de Zein, de Karim.
Qu’attend le Tribunal Pénal International pour juger ce père de famille tranquille et serein? Rien ne transparaît sur son visage rasé de frais, dans son regard froid et profond, dans son crâne où vivent hyènes et scorpions. On ne va pas lui faire subir des tortures pour le faire parler. 67 témoins, survivants de l’enfer de ses prisons racontent ce qu’ils ont subi. Mais le TPI est un tribunal de gens civilisés, pas de barbares qui s’acharnent sur le peuple au mépris de tous les principes. Alors Bachar, comme avant lui Bush, est très occupé et n’a pas le temps de lire les journaux pour voir le visage du petit Omran, qui est là, ne parle pas, ne s’agite pas, il est juste là, trace échappée de l’enfer.
Mais grâce aux réseaux sociaux, Omran est partout. Il est même apparu sur le Smartphone de ses enfants. Les soldats qui l’ont laissé partir seront punis. Bachar n’aime pas les enfants qui n’ont pas fait leur toilette avant de se faire prendre en photo.