Ceux qui renoncent à l’instinct de vie

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ChroniqueQu’est-ce qui fait que des jeunes gens aient accepté de changer leur instinct de vie par l’instinct de mort? Pourquoi préfèrent-ils offrir leur vie, leur destin à des tueurs qui assassinent l’islam et le piétinent au point que cette religion soit devenue un épouvantail, une idéologie du malheur?

Le 02/01/2017 à 11h41

Le BCIJ vient de nous apprendre que depuis sa création en 2015, il a démantelé quarante cellules et arrêté 548 personnes présumées terroristes. Par ailleurs, 553 jihadistes marocains sont morts en Syrie et en Irak. Ces chiffres sont terribles. Tout en félicitant les agents qui ont réussi ce travail d’une importance inestimable, il ne faudrait pas que nous fassions l’économie d’une réflexion approfondie sur les causes et origines de ce phénomène.

Qu’est-ce qui fait que des jeunes gens, pas forcément issus de bidonvilles et de la misère, aient accepté un jour de changer leur instinct de vie et de conservation par l’instinct d’une mort, donnée et subie? La pauvreté ne peut être une excuse pour tuer des innocents. Etre pauvre ne signifie pas devenir un criminel.

On sait à présent que plusieurs facteurs se conjuguent pour que ces gens aboutissent à l’irrémédiable. Ce sont des failles aussi bien psychologiques que sociologiques et même métaphysiques. Des failles béantes que l’entourage n’a pas vues ou dont il a minimisé les conséquences. Ces gens ne sont ni fous ni malades. Parce que le fou fait n’importe quoi et n’est pas responsable de ses actes. Le malade qui souffre d’une pathologie n’essaie pas de la justifier par un discours idéologique basé sur une vision de l’islam totalement erronée et contraire aux principes élémentaires de cette religion. Donc, ni fous ni malades. Alors, pourquoi des citoyens en bonne santé décident un jour de ruiner leur pays, de détruire leur société, de porter atteinte aux valeurs qui fondent cette nation aux racines fortes et solides en s’engageant avec une organisation criminelle dont les actions sont condamnées par le monde entier ? Pourquoi préfèrent-ils offrir leur vie, leur destin à des tueurs qui assassinent l’islam et le piétinent au point que cette religion soit devenue un épouvantail, une idéologie du malheur?

Des citoyens musulmans dans le monde subissent les conséquences de ce détournement au point qu’un Donald Trump ait osé vouloir interdire l’accès à l’Amérique à tous ceux qui portent l’islam dans leur cœur.

En Europe, on parle d’islamophobie. La phobie, c’est la peur. Malheureusement, on est passé de la peur à la haine. Tous les sondages le montrent. De plus en plus de gens détestent l’islam et les musulmans. La percée inattendue de François Fillon lors des primaires de la droite en France pour l’élection présidentielle a pu avoir lieu parce qu’il a publié fin septembre un livre de 150 pages «Vaincre le totalitarisme islamique» (Albin Michel). Il y est dit ceci : «La France n’a pas de problème avec la religion. Il y a un problème lié à l’islam». Il ne parle plus de l’islamisme qu’il compare au nazisme, mais de l’islam. Ceux qui n’aiment pas cette religion l’ont rejoint, car ils pensent qu’une fois président il va les débarrasser de ce «problème».

Ces 548 personnes sont aujourd’hui entre les mains de la justice. Peut-être qu’elles ont pu se rendre compte combien leur décision de détruire leur pays est un malheur incommensurable. Même repenties, elles devraient faire un travail sur elles-mêmes pour redevenir des citoyens responsables et patriotes.

Alors pourquoi sont-elles entrées dans cette dérive ?

La responsabilité est diffuse, elle concerne la cellule familiale qui a été soit dépassée, soit pas assez attentive et proche de ses enfants. Si la structure familiale est atteinte par la dispersion, tout peut arriver. L’autre part de responsabilité pourrait être la faillite d’un système d’éducation et de repères, ce qui a en partie ruiné l’attachement aux valeurs d’humanisme, de solidarité et de tolérance qui caractérisent notre société.

Enfin, les gens de religion, malgré leur bonne foi, n’ont peut-être pas été assez vigilants et actifs dans leur lutte contre l’imposture des tenants d’un islam dur et jihadiste. Il y aurait bien d’autres facteurs qui ont contribué à cette dérive. L’important aujourd’hui, en plus de la stratégie sécuritaire qui reste exceptionnelle d’efficacité, c’est d’anticiper chez d’autres jeunes toute tentation de rejoindre cet univers de chaos et de mort. Là, il faut une pédagogie de tous les jours aussi bien à l’école que dans la vie familiale, dans les médias et aussi dans le discours des hommes politiques qui devraient plus que jamais respecter l’islam et ne plus l’utiliser comme tremplin pour parvenir au pouvoir. On devrait enseigner dans les écoles le discours historique de Sa Majesté Mohammed VI du 20 août dernier où les choses sont dites avec force et clarté.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 02/01/2017 à 11h41