En 2006, alors que je visitais une exposition, à l’Institut français de Rabat, sur 100 ans de peinture au Maroc, je vis entrer dans la salle un groupe d’hommes conduit par une figure déjà connue du PJD, Si Saâd-Eddine El Othmani (1).
On était loin alors, sauf exception, de penser que cet homme et son parti allaient connaître une spectaculaire et durable ascension politique. Lors de cette expo rbatie, je m’approchai du groupe pour écouter les explications que donnait son chef, en français, sur les peintres du Maroc et j’en retins qu’il n’envoyait pas au diable, tout au contraire, les orientalistes européens inspirés par le Maroc.
Sur un trottoir de Rabat
En sortant de l’Institut français, j’achetai, sur un trottoir du centre ville, un nouveau petit livre arborant en couverture la photo de l’homme politique dont je venais d’écouter les propos. Je viens de ressortir cet ouvrage et de le relire.
J’ai extrait pour nos lecteurs quelques propos de l’auteur, toujours d’actualité, de ce volume de 135 pages titré Pour un Maroc authentique et démocratique.
Islamisme
«Je n’aime pas beaucoup le mot «islamiste» que je voudrais réfuter. C’est un mot forgé en Europe. Le PJD n’est pas un parti islamiste. C’est un parti politique à référentiel islamique » (…) Nous ne sommes pas un parti religieux».
© Copyright : Le360 : Mohamed Chafii
Charia
«Dès qu’on entend le mot de «charia», on pense immédiatement aux mains coupées. C’est une fausse compréhension. La charia, c’est d’abord l’égalité entre les hommes, la justice, la paix. C’est aussi combattre les fléaux sociaux».
«Au Maroc, c’est le Commandeur des Croyants qui garantit la conformité des lois avec le référentiel islamique de l’Etat».
«Le Maroc est un pays musulman où le Roi est le Commandeur des Croyants».
«Je regrette de ne pas avoir appris le Coran. Je n’en connais qu’une toute petite partie».
Modernité
«Avoir des particularités ne signifie pas être contre la modernité. Actuellement la France a des particularités et milite pour ne pas être absorbée par le colonialisme culturel américain».
«Je préfère le costume à la djellaba».
«Les réformes [prioritaires] concernent l’administration, la justice, l’enseignement, la santé».
«J’ai conscience de l’importance de la monarchie pour le pays».
«Le PJD est catégoriquement contre toute forme de violence».
Religion d’Etat
«Nous ne sommes en rien hors-la-loi puisque l’islam est la religion de tous les Marocains. C’est même la religion de l’Etat marocain. Mais si «islamiste» veut dire terroriste, je tiens à préciser que nous nous opposons au terrorisme avec la plus grande vigueur ».
«Chaque peuple musulman peut exercer l’Islam d’une façon un peu différente».
Berbérité
«Je suis Amazigh et j’aime la graphie arabe quand j’écris en tamazigh».
Alcool
«La loi interdit la consommation d’alcool aux Marocains musulmans. Nous demandons simplement l’application de la loi et rien que la loi».
«Nous sommes franchement contre l’ouverture de casinos au Maroc».
Sahara
«On parle toujours de l’importance de l’affaire du Sahara mais généralement les Sarahouis sont tenus à l’écart de ce dossier».
Partis
«Logiquement, un juif marocain peut s’inscrire au PJD».
«Le PJD turc a été créé en 2001. Notre parti a été fondé en 1967 et s’appelle PJD depuis 1998. Le parti de M. Erdogan est moderne, sérieux, et il a pu réconcilier des Turcs avec leur identité [musulmane] sans renier son adhésion au mouvement mondial de démocratie».
Femmes
«Nous sommes contre l’obligation du port du hidjab, tout comme nous sommes contre le fait de l’interdire à celles qui veulent le le porter (…) Ma grande fille le porte mais je n’en n’ai jamais discuté avec elle».
« J’ai prescrit [comme médecin] l’usage des contraceptifs. Moi-même, je n’ai que trois enfants».
Adam
«On sait que Dieu a créé Adam, mais on ne sait pas si cela a pris deux minutes ou dix siècles. La science doit nous éclairer là-dessus».
(1) Certes, certains professeurs de grammaire continuent, au Maroc ou en France, de dire que «les noms propres n’ont pas d’orthographe» mais je constate que si la presse francophone, ici ou ailleurs, écrit «El Othmani» pour le patronyme du nouveau chef de gouvernement marocain, l’intéressé lui-même parait avoir choisi une graphie française simplifiée, vérifiée et sur la couverture du livre dont il est question ici et sur sa plaque professionnelle sur rue à Rabat. (Voir photo ci-dessus).
Lectures
Monarchies et islam politique au Maroc, par Mohamed Tozy, Presses de Sciences-po, Paris.
Les mouvements islamistes au Maroc, par Mohsine Elahmadi, préface de Rémy Leveau, Ittissalt Salon, Casablanca.
Pour un Maroc authentique et démocratique, par Saâd-Eddine El Otmani, préfaces d’Abderrahim Lahjouji et de Lahcen Daoudi. Texte de 2003, paru en 2006 aux éditions marocaines Palmarès.