Récession économique en vue, et ce n’est que le début

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ChroniqueOui, tous les ingrédients d’une récession pire que celle qui a suivi la crise de 2008 sont réunis depuis un bon bout de temps.

Le 08/07/2022 à 09h56

Pour la première fois depuis le mois d’avril, les cours du baril sont descendus hier en-deçà de la barre symbolique des 100 $, avant de remonter légèrement en fin de journée.

A priori, cela a tout d’une bonne nouvelle vu les prix affichés à la pompe. Sauf que non, car cette baisse n’est aucunement due à une augmentation de l’offre, mais au fait que les marchés financiers anticipent une récession économique mondiale.

Car oui, tous les ingrédients d’une récession pire que celle qui a suivi la crise de 2008 sont réunis depuis un bon bout de temps.

Premièrement, l’envolée des prix des produits dérivés du pétrole (fuel, gasoil, essence, etc.) n’est due qu’en partie à l’augmentation des cours du pétrole.

L’essentiel du surcoût provient des marges indécentes réalisées par la plupart des raffineries, qu’elles soient américaines, indiennes ou chinoises.

Si les marges des raffineries se situaient autour de 15 $ le baril en moyenne entre 2017 et 2021, elles se situent actuellement autour de 60 $. Soit une multiplication par quatre. Donc ne vous attendez pas à une baisse significative des prix à la pompe durant les prochaines semaines.

De même, une transition énergétique européenne mal préparée, et dans un contexte de bras de fer géopolitique avec Moscou, fait que l’Europe se voit obligée de rouvrir ses centrales de charbon, tout en annonçant la fin des voitures à combustibles fossiles d’ici 2035. De quoi décourager tout investissement dans le secteur des raffineries en Europe.

Deuxièmement, il y a le bras de fer actuel entre l’Occident et la Russie: l’une de ses conséquences récentes est la diminution progressive des livraisons de gaz russes à destination de l’Europe, et un début d’embargo pétrolier totalement suicidaire imposé par l’Europe à Moscou. Résultat des courses: une augmentation faramineuse du coût de l’énergie et une perte nette de compétitivité des principales économies européennes face à la Chine et à l’Inde, qui achètent le pétrole russe à moitié prix et le revendent après raffinement avec des marges colossales à ces mêmes Européens.

L’Allemagne, à titre d’exemple, a vu sa balance commerciale devenir déficitaire, au mois de mai, d’un milliard de dollars, alors qu’au même mois en 2021, elle était excédentaire de 14 milliards de dollars, malgré le Covid. Et ce n’est que le début. Car si Poutine venait à ordonner un arrêt des livraisons de gaz à l’Allemagne, ce n’est plus d’une récession qu’il sera question, mais bien d’un effondrement économique au cœur de l’Europe.

Et ce n’est pas le GNL américain ou qatari qui sauvera Berlin, vu son coût élevé, ainsi que le manque de méthaniers et de stations de regazéification en Europe. Un problème structurel qui ne peut se résoudre que dans un horizon de cinq à six ans, à travers des investissements de plusieurs milliards d'euros.

Troisièmement, il faut compter avec les dettes souveraines des Etats occidentaux, qui sont infiniment plus importantes qu’en 2008. Dans un contexte d’inflation de plus en plus intense, si la Banque centrale européenne (BCE) venait à imiter sa consœur américaine (la FED) en augmentant à son tour ses taux directeurs, le résultat sera une augmentation de la charge des dettes souveraines des Etats les plus endettés (Italie, France, etc.), avec un risque non négligeable de défaut de paiement. La conséquence inéluctable serait la mise en place de politiques drastiques d’austérité, voire d’une confiscation d’une partie de l’épargne des citoyens, comme cela a pu avoir lieu à Chypre en 2013. De quoi nourrir davantage une récession déjà entamée depuis des mois, selon plusieurs experts.

Autre conséquence d’une augmentation des taux directeurs par la BCE, et dans une moindre mesure par la FED, un effondrement des marchés financiers, qui, face à la triple contrainte de l’inflation, de la récession et de l’augmentation des taux, ne feront pas long feu.

Enfin, la chute en roue libre de l’euro, qui frôle actuellement la parité avec le dollar, mais qui risque très probablement de chuter davantage dans les mois à venir. Cette dépréciation vient nourrir l’inflation à l’intérieur de la zone euro, en raison de son impact sur les coûts des importations. Pour le dire plus simplement, plus l'euro perd de sa valeur, plus il faut d’euros pour acheter le même bien.

Ainsi, les économies occidentales ne font que payer aujourd’hui le prix des politiques monétaires insensées menées par leurs banques centrales depuis la crise de 2008, d’un bras de fer destructeur avec Moscou mené pour le compte des Américains, et d’une perte de compétitivité structurelle en raison d’un déclin démographique de plus en plus prononcé, sans compter une désindustrialisation avancée qui semble difficilement rattrapable.

Mais le problème réside dans le fait qu’en raison des interdépendances résultantes de la mondialisation, les erreurs des uns finissent toujours par être payées par tout le monde, avec différents degrés d’intensité.

Par Rachid Achachi
Le 08/07/2022 à 09h56