Cette conférence mondiale contre Daech, tenue le mercredi 11 mai, à Marrakech, est sans doute à marquer d'une pierre blanche pour la diplomatie marocaine: un jackpot! C'est bien le terme approprié à une combinaison gagnante. En l'espèce, la partie est d'un autre registre: celui d'une politique étrangère qui s'affirme de nouveau et engrange des résultats. Un factuel qui rappelle en le paraphrasant le regretté Roi Hassan II qui aimait à rappeler que la politique obéit, elle aussi, à des saisons et à la météo –le temps des labours, puis des semailles et de le récolte.
Marrakech? Un succès, un grand succès même! Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, n'a pas manqué de le mettre en relief à la fin des travaux. La participation d'abord: 79 pays sur 84 dont 19 d'Afrique, 8 d'Asie et 9 délégations du monde arabe; le niveau de représentation: 47 ministres dont 38 des Affaires étrangères; enfin, plus de 400 participants. Peu de conférences internationales peuvent aujourd'hui réunir un tel plateau, hormis l'assemblée générale annuelle des Nations Unies.
Que ce grand rendez-vous ait eu lieu en terre d’Afrique –pour la première fois– ne manque ni de sens ni de portée. Pourquoi le Maroc? Du fait de la crédibilité du Royaume, pourvoyeur continu de la paix et de la sécurité régionale. C'est là une politique insérée dans le cadre d'une stratégie définie voici une vingtaine d'années. Elle s'articule en matière de lutte antiterroriste autour d'une approche efficace, multidimensionnelle et holistique. A la suite des attentats terroristes de Casablanca, le 16 mai 2003, le Maroc s'est en effet attelé à apporter une réponse opératoire dans ce domaine. Celle-ci a porté ses fruits au dedans, on le sait, avec le démantèlement de plus de 220 cellules terroristes. L'efficacité de l'appareil de sécurité a fait ses preuves; elle est aussi couplée à une veille des citoyens dans toutes les régions du Royaume.
La place et le rôle de Rabat aujourd'hui sont le résultat d'une capitalisation déclinée autour d'une politique pionnière. Ainsi, au début du mois de décembre dernier, à Bruxelles, a eu lieu la session inaugurale du nouveau «Africa Focus Group» –succédant à «Africa Platform». Le Maroc y a le statut de coprésident avec les Etats-Unis, l'Italie et le Niger.
Cette structure dont se dote la Coalition mondiale entend adopter une approche prospective et stratégique de la menace terroriste. Veiller à la coordination avec les initiatives et les structures régionales et multilatérales, assurer la participation la plus large possible des partenaires africains: voilà les deux axes retenus. Six mois auparavant, il faut rappeler que Rabat a vu l'ouverture du nouveau bureau de formation de l'ONUCT (Bureau des Nations Unies pour la lutte contre le Terroriste) avec une première session de deux jours réunissant des institutions de maintien de l'ordre et de la formation à la lutte contre le terrorisme de 12 Etats membres du continent. Ce bureau servira de «hub» de renforcement des capacités de coopération, notamment en Afrique de l'Ouest et au Sahel. Il est en effet nécessaire que s'opère une appropriation nationale de la lutte antiterroriste, soutenue par le renforcement des capacités, une coordination systématique entre les Africains et un soutien substantiel de la communauté internationale.
La conférence de Marrakech a été une réussite tant pour ce qui est de la Coalition mondiale que pour la diplomatie marocaine. Sur le premier point, les résultats sont importants. Une mise à plat du bilan de la Coalition créée en 2014 a pu être faite. La détermination, commune des ministres participants a été réaffirmée pour poursuivre la lutte par des efforts militaires et civils. Il a été aussi précisé que la défaite durable de Daech/EI commande l'allocation de ressources adéquates; que des solutions sont à trouver à long terme pour les combattants de Daech et les membres de leur famille dans le nord-est de la Syrie; qu'il faut faire face à l'évaluation de la menace terroriste en Afrique; renforcer les capacités antiterroristes dirigées par des civils des membres africains de la coalition; nécessité de s'attaquer aux causes sous-jacentes de l'insécurité en Afrique, toute solution durable devant émaner principalement des autorités nationales; et que les efforts de la Coalition mondiale –forte désormais de 85 membres avec le Bénin– font partie intégrante de la mobilisation et de la structure mondiale de lutte contre le terrorisme.
Le communiqué final a encore relevé «l'existence du nexus entre mouvements séparatistes et mouvements terroristes». Référence est ici faite à une connexion qui voit ceux-ci agir en collusion, en instrumentalisant les vulnérabilités existantes d'une manière à démultiplier leur impact stérilisant. Depuis des années, le Maroc qui a pris l'initiative de cette Conférence mondiale avec les Etats-Unis, soutient et argumente dans ce sens. Faits et enquêtes à l'appui, il a en mains une connaissance approfondie. Celle-ci est liée, principalement, par les menées du mouvement séparatiste dans les camps de Tindouf en Algérie.
Marrakech? Un autre succès du Royaume pour ce qui est de la question nationale. Elle ne figurait pas, formellement, à l'ordre du jour de ce rendez-vous. Mais elle ne pouvait être ignorée ni évacuée du fait de la persistance d'un conflit artificiel entretenu par le pays voisin de l'est qui accueille, finance et arme le mouvement séparatiste. Le lien avec la lutte contre la menace terroriste et ses multiples menées dans la région et dans le continent est structurel, pourrait-on dire.
En même temps, la grande majorité de la communauté internationale mesure et apprécie la position marocaine formulée le 11 avril 2007 devant le Conseil de sécurité. Le fait que la conférence de Marrakech ait eu lieu, en présentiel, a permis des contacts directs, des consultations du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avec des dizaines de ses homologues des pays présents. Ce qui a conduit à un véritable ballet diplomatique des soutiens en faveur du plan marocain d'autonomie. Ainsi, en l'espace d'une seule journée, le mercredi 11 mai, les chefs des diplomaties ont réitéré leurs positions respectives sur la marocanité du Sahara marocain. L'on peut les citer: Roumanie, Pays-Bas, Serbie, Bahreïn, Niger, Guinée, Centre Afrique, Arabie Saoudite. Une mention particulière doit être faite à l'Egypte, telle qu'elle a été réaffirmée lors de la visite du ministre des Affaires étrangères, Samih Choukri, les 9-10 mai.
Enfin, la dernière regarde la nouvelle position des Pays-Bas sur le plan d'autonomie qualifié de «contribution sérieuse et crédible» au processus politique mené par l'ONU pour trouver une solution à la question nationale. Le responsable de la diplomatie de ce pays, Wopke Hoekstra, et celui du Maroc, Nasser Bourita, ont publié un communiqué conjoint dans ce sens, en marge de la Conférence de la Coalition à Marrakech.
Celle-ci a vu un absent, un grand absent même: l'Algérie. Dès le lendemain, le ministère des Affaires étrangères de ce pays voisin s'est fendu d'un communiqué de fort dépit, de colère et de rage mal contenue. Il y dénonce «le détournement par le Maroc de l'objet de la Conférence internationale pour la lutte contre le groupe terroriste Daech (...) pour en faire un évènement consacré à la question du Sahara occidental». L'Algérie paie le prix de son isolement et s'enferme de plus en plus. Elle n'est plus audible... Elle accepte mal la capitalisation par le Maroc d'une diplomatie rayonnante, crédible, portant et incarnant les grandes causes du continent –la lutte contre la menace terroriste mais aussi d'autres de grande ampleur (changement climatique, environnement, coopération sud-sud).
Le jackpot ici, la dérive du voisin de l’est… Dur, dur!