Incroyable! Nos femmes et nos hommes retraités ont la bougeotte!

Famille Naamane

ChroniqueLes hommes travaillaient tant que leur force physique le leur permettait et les femmes jusqu’à épuisement total. En ville, elles géraient tout le foyer; à la campagne, 85% des travaux, y compris ceux du champ et l’entretien des animaux. Des corvées entièrement manuelles.

Le 19/02/2021 à 11h01

La retraite telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’a été créée qu’à partir du XIXe siècle, en Europe, avec le développement industriel. Elle ne concerne, à ce jour, que le travail rémunéré, sans valorisation du travail féminin dans le foyer.

Un adage marocain dit: «que ma jeunesse travaille pour ma vieillesse». La retraite est perçue comme la dernière étape de la vie où les revenus baissent ou disparaissent. Il faut épargner pour douère az-mane (les «aléas de la vie»).

Les hommes qui en avaient les moyens épargnaient par la thésaurisation, biens immobiliers, du cristal, de l’or et de l’argent… L’achat d’un logement a toujours été une sécurité pour la retraite.

Pour la femme, les vieux jours étaient assurés par le mari. Quand elle le pouvait, elle constituait sa retraite: achat par le mari de bijoux, de linge brodé, de laine et ses dérivés… Elle «grattait» un peu sur l’argent du marché et produisait des articles qu’elle vendait pour contribuer au budget et en cacher un peu.

Aucun souci pour les vieux jours. On enfantait beaucoup: les fils sont une garantie financière et les filles, des aides-soignantes pour la vieillesse.

La retraite était perçue comme une fin, la fin de l’activité professionnelle.

Mais cela a bien changé. L’espérance de vie a augmenté: au Maroc, elle était de 43 ans dans les années cinquante. Aujourd’hui, elle est de 76,5 ans (75 ans pour les hommes et 78 ans pour les femmes. Eh oui, Messieurs, nous vivons plus longtemps que vous!). Donc la retraite se vit sur de longues années. 

Les femmes ayant travaillé dans un secteur organisé ont une pension. Elles sont contentes de se libérer pour leur foyer, la famille et leur propre bien-être. Elles continuent à avoir une vie sociale. Avant, du rôle de mère, elles passaient à celui de grand-mère. Aujourd’hui, elles vivent également pour elles-mêmes et ont des activités épanouissantes. Mais elles sont moins contentes d’avoir des maris retraités «qui leur tournent entre les pieds», ou comme «une dent (qui brûle)!»…

«Un homme à la maison, c’est comme un bouton dans le dos», dit-on. Un conflit territorial peut opposer les deux conjoints retraités s’ils ne s’y sont pas préparés à l’avance.

Les hommes, eux, redoutent la retraite. Vivant plus dans la sphère professionnelle et publique que dans le foyer, ils subissent des changements brutaux.

Mais la retraite n’est plus une fin. C’est une continuité, sans rupture. 

De nombreux retraités refusent de subir un sentiment d’exclusion sociale, d’inutilité. Ali: «à 63 ans, je suis encore jeune. J’ai une grande expertise dans mon domaine. Me retirer serait un gâchis».

Le mot «mort» est souvent exprimé par ce nouveau profil de retraités: «arrêter pour mourir?». Ils créent des bureaux d’études et de conseil, enseignent, continuent à travailler par contrat avec leur entreprise, vont du secteur public au privé…

La retraite devient donc un début, avec ce nouveau phénomène: le recyclage.

Femmes et hommes préparent leur retraite à l’avance, changent de métier, en suivant des formations: coach, consultant, commerçant, chef d’entreprise, artisan… Rester actif, car l’arrêt du travail mène à l’antichambre de la mort. Des études montrent qu’il y a plus de décès et de maladies, les deux premières années de la retraite, chez les inactifs.

Par ailleurs, le pouvoir d’achat baisse à la retraite. Il faut maintenir le même niveau de vie. Les retraités ont des besoins multiples que les aînés n’avaient pas, tels les loisirs et l’aide aux enfants! L’enfant-garantie devient l’enfant-aspirateur! L’âge du mariage a reculé (femmes: 28 ans. Hommes: 31). Les enfants travaillent tardivement à cause de la scolarité et du chômage. Les parents aident leurs enfants mariés et ayant des enfants, car les salaires sont trop bas et les besoins énormes. 

Je ne parle pas de la majorité des retraités aux rentes dérisoires, ou ceux qui ont travaillé dans l’informel, sans couverture sociale. Ils occupent les coins de rue des quartiers populaires, ou les murs des souks, en égrenant le temps avec amertume, privés du minimum vital et de loisirs dans une société qui a usé leur force de travail sans contrepartie. Assis par terre, ils jouent aux dames sur un échiquier en carton ou carrément tracé avec du charbon sur le sol.

Ni loisirs, ni activités culturelles, ni de réduction sur le transport et les voyages. Ils périssent dans une précarité extrême.

Je vous parle, en fait, d’une population qualifiée, qui a une retraite décente.

Dans une société qui s’individualise et où le nombre moyen d’enfants par femme est de 2,2, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour leur retraite. Nous remarquons alors une montée de la culture de la retraite chez les jeunes. Un recruteur: «ils sont rusés. Dès le recrutement, ils veulent des précisions sur la retraite. Moi je n’y ai pensé qu’à 50 ans!». 

Chez eux, la retraite se conçoit dans la continuité, l’activité, les loisirs, les voyages et surtout une nouvelle activité professionnelle. Quand ils le peuvent, les jeunes cotisent dans des retraites complémentaires.

Si la retraite était liée à la vieillesse, aux privations, aux maladies, à la fatalité, à la finitude, aujourd’hui elle devient un tournant menant à une vie nouvelle, chargée d’activités, d’ambitions et d’objectifs. Fini le temps où le retraité disait: «je vais écouter mes os». Les nouveaux retraités secouent sans cesse leurs os!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 19/02/2021 à 11h01

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

oui, la vieillesse est un terrible naufrage ! C'est pour cela qu'il faut croquer la vie, tant qu'on le peut et tant qu'on est en bonne santé physique et mentale. Cultiver son bien-être ne dépend pas tj de nos moyens, mais d'une prise de conscience. Il y a des personnes indigentes qui sont dans le bien-être alors qu'ils manquent de tout. C'est vrai que l'argent aide, mais n'achète pas notre capacité à savourer le moment présent et les petits plaisirs du quotidien. Avec cette pandémie, nous avons constaté que des faits et gestes élémentaires constituent notre bonheur, tel ouvrir la porte de chez soi et sortir, enlacer des êtres aimés... Sourions, la vie est belle. Merci pour vos commentaires

Bonjour Mme Guessous, je suis tombée sur vos articles par hasard car je cherchais une information sur le mariage, je tenais tout d'abord à vous remercier de la qualité de vos articles et de leur pertinence. Par ailleurs, serait il possible de mettre en lumière le sujet de toutes ces mères célibataires, veuves ou divorcées dont la vie de couple s'arrête quand elles perdent leurs maris, de la solitude qu'elles vivent et qu'elles supportent à l'insu de tout le monde souvent pendant de très longues années sans jamais rien dire car personne ne pourrait l'entendre ou le comprendre. Ni les enfants dont elle assume la charge financière, éducative, sociale....du jour au lendemain ni les frères et sœurs encore moins la société. Refaire sa vie ?

Bonsoir Madame Soumaya Naamane Guessous. La retraite a bien sûre quelques charmes pour ceux qui ont les moyens et qui ne sont pas des souffrants chroniques, mais c'est un véritable calvaire pour les autres. Il n'en reste pas moins que c'est le début de la fin pour tous. L'intensification du vieillissement est impitoyable et elle ne rate personne. Il y a ceux qui partent d'un seul coup et il y a ceux qui meurent par petits morceaux jusqu'à la délivrance. Ainsi va la vie! Cordialement.

merci pour vos commentaires. En effet, comme vous le dites si bien, nos retraités vivent dans l'indigence, l'absence de loisirs, l'ennui, la marginalisation... Ceux qui peuvent encore travailler le font pas toujours pour le plaisir mais aussi parce que leurs charges familiales demeurent lourdes. Sinon, il n'y a pas de modèle unique de bonheur. Comme l'a dit Hassan, si on a le choix, on a le droit d'arrêter toute activité pour s'adonner à la culture de son bien-être. Ce qui compte, c'est d'avoir ce choix et de ne pas être obligé de continuer à travailler même quand le corps est affaibli par le vieillissement. Je vous souhaite la meilleure des retraites.

Pour certains la retraite est la mort et pour d'autres elle est le début d'une nouvelle vie. Ce paradoxe traduit le parcours personnel et professionnel de chacun ainsi que les représentations sociales et culturelles qu'il a conçu sur cette étape incontournable. Si les hommes, en particulier, vivent leur retraite dans une passivité, les femmes gardent un niveau d'activité pratiquement similaire à celui de leur période d'activité vue leur rôle au foyer et au sein de la famille. De ce fait, généralement, les femmes marocaines réussissent leur retraite mieux que les hommes.par conséquent, un accompagnement et un soutien aux retraités demeurent nécessaires pour cette catégorie de citoyens afin de les aider à vivre positivement cette étape.

Au Maroc on écrit quelqu'un qui s'arrête de travailler à un certain âge. être retraité veut dire qui celui ne travaille plus et qui reçoit une pension de retraite. Or au Maroc hormis les administrations il n'y a quasiment pas de retraite encore moins pour les femmes.

Bsr professeure.Un entrepreneur a attendu qu'un banquier parte à la retraite pour lui proposer de travailler pour lui.Il lui a proposé pour cela un salaire faramineux,or ledit banquier a refusé poliment car il voulait se reposer,voyager et se consacrer à ce qui lui tenait à coeur:la lecture,le dessin,le jardinage et surtout le bricolage.De plus il a dit qu'il préfèrait laisser les jeunes travailler car ils en ont plus besoin que lui.A méditer.Bien à vous.

Malheureusement, Mme , chez nous au Maroc le retraité est un fardeau pour la société et l'état , la preuve il est dépourvu et privé de tous les avantages Telles que les réductions tarifaires concernant le transport ( avion, train ,car ou urbaine ) La priorité pour les besoins médicaux ,administratifs,sportifs ou..etc Le comble on continue à lui prélever des impôts de son salaire... ce qui se contredit avec leur propos on a plus besoin de lui mais de l'autre côté il contribue pour enrichir le trésore... Alors qu'à l'âge de la retraite les dépenses augmentent les charges financières aussi la santé se dégrade (Cardiaques, diabètes , ... maladies chroniques ) sa arrivent chez toutes sa famille... n'oublions pas le salaire stagnant et stationnaire mais le niveau de vie augmente ...

Bjr professeure.Mon père me dit toujours:"Si tu prends ta retraite,ne reste pas à la maison."Car,disent les Marocains:"Rester près de l'épouse,c'est se séparer d'elle."En effet,il faut s'occuper,meubler son temps et surtout faire ce qu'on ne pouvait lors de notre vie active.Pour ce faire,il faut préparer sa retraite et non pas vivre à la va- comme-je te pousse.Bon week-end.

0/800