Tolérance zéro, vraiment?

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ChroniqueOù sont les autres, où est le reste du Maroc et des Marocains, que font-ils et que pensent-ils, surtout, surtout, y a-t-il encore quelque chose qui les révolte et qui bouge en eux?

Le 26/08/2017 à 16h55

L’affaire du bus est un scandale assez unique en son genre. Ne croyez surtout pas ceux qui veulent le banaliser. Une affaire comme ça a très peu d’équivalent dans les faits-divers les plus sordides de notre époque.

Cette histoire dépasse l’entendement parce qu’elle réunit, et dans le même temps svp, plusieurs ingrédients explosifs. En plus du viol collectif ou de l’agression sexuelle collective (il faut attendre la suite de l’enquête pour en savoir plus), nous avons :

-Le lieu: un bus en marche, c'est-à-dire un espace a priori sécurisé, devant témoins (les passagers) en plus du responsable de l’appareil, qui est le chauffeur.

-Le profil de la victime: une jeune femme qui souffre de troubles mentaux.

-La date: on nous dit que les faits remontent à deux mois au moins. Il y a donc deux mois, une jeune femme a été victime d’un viol – agression dans un bus en marche, en plein jour, devant plusieurs passagers en plus du chauffeur, le tout ayant dument été filmé. Tout cela sans que la moindre plainte n’ait été enregistrée.

Chacun de ces trois aspects constitue un scandale à part entière. Alors la combinaison des trois…

Beaucoup de personnes nous disent pourtant qu’il n’y a pas de quoi être choqué. Elles ont tort. S’indigner est la preuve qu’il y a encore une trace d’humanité qui coule dans nos veines. Et l’humanité, c’est l’espoir, c’est aussi la révolte, c’est cela qui nous donne encore la force de dire non, stop, arrêtez le massacre!

A Casablanca, en réaction à ce qui s’est passé, une petite foule de 300 personnes sont sorties dans la rue pour crier au scandale. A l’échelle d’une nation qui se dit indignée, 300 personnes, c’est peu, très peu, c’est assez ridicule.

Le plus terrible, c’est que ce noyau de quelques centaines de personnes est, grosso modo, le même qui sort dans la rue, à Casablanca ou Rabat, pour manifester contre un abus de pouvoir quelconque ou en soutien aux militants du Hirak du Rif.

Cela nous amène, bien sûr, à cette douloureuse question: où sont les autres, où est le reste du Maroc et des Marocains, que font-ils et que pensent-ils, surtout, surtout, y a-t-il encore quelque chose qui les révolte et qui bouge en eux?

La ministre de la famille, madame Bassima Hakkaoui, a eu une phrase malheureuse et hypocrite en commentant le drame du bus. «Ce qui vient de se passer est étranger à notre société». Non, madame, ce n’est pas étranger à notre société. C’est même assez familier, et c’est probablement pour cela que la majorité des Marocains ne sont pas sortis dans la rue pour dénoncer ce qui s’est passé.

Le viol collectif et le viol tout court, la mise au supplice de plus faible que soi, surtout quand il s’agit d’une ou d’un handicapé moteur ou mental, la transformation de l’espace public en zone de combat sauvage, la non-assistance aux personnes en danger et la non-dénonciation via des plaintes en bonne et due forme: bref, tout cela est bien familier de nos sociétés. Cela ne nous est pas étranger. Nous en sommes les spectateurs et quelque part les complices.

La solution? Déjà il faut commencer par arrêter de se mentir et appeler les choses par leur nom. C’est le seul «commencement» possible et nous en sommes encore loin, hélas.

Par Karim Boukhari
Le 26/08/2017 à 16h55