La route du Mondial passe par l’Afrique. Pour aller en Russie, il a fallu passer par la Côte d’Ivoire. Pour accéder à l’universel, nous sommes partis valider notre billet à Abidjan, au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Je parle de football, bien sûr, mais aussi et surtout d’autre chose.
Le message est le même, ce n’est pas un message mais un slogan: c’est en affirmant son africanité que le Maroc et les Marocains accèdent à l’universel et au mondial.
Samedi dernier, des milliers de Marocains ont fait le pèlerinage d’Abidjan. J’ai fait partie de ces «contingents» partis à la découverte d’une ville, et même d’un continent. Au-delà du match et du sport, j’ai vu combien Abidjan était proche de Casablanca. Le monde de la nuit, le côté fourre-tout, ce bordel à la fois insupportable et en fin de compte attachant, la tendance à graisser la patte pour faciliter les choses, la combine et les arrangements pour se sortir des situations les plus compliquées, le contact facile, les écarts trop grands (obscènes ?) entre riches et pauvres, etc. J’ai retrouvé mon monde, le grand Casablanca, à Abidjan, c’est-à-dire 5000 km plus au sud.
Il y a un peu de nous à Abidjan, et sans aucun doute à Dakar, Conakry, Bamako et d’autres capitales de cette Afrique à laquelle nous avons longtemps tourné le dos.
C’est drôle mais, quelques jours avant ce voyage en Côte d’Ivoire, j’avais assisté à une scène de racisme ordinaire à Casablanca. La scène a eu lieu dans ce qu’on appelle un café à tiercé. Deux parieurs, un Marocain et un Subsaharien. Le Marocain a refusé de passer son stylo au Subsaharien. Ce dernier a dit: «Pourquoi mon frère?». Réponse: Non, je ne suis pas ton frère, et nous ne sommes pas pareils, je suis blanc et tu es noir, Dieu vous a punis, toi et tes frères, en vous faisant noirs comme la nuit.
J’ai repensé à cette scène horrible. Je me suis dit qu’avec de la chance, le parieur raciste aurait pu être parmi ces supporters des Lions de l’Atlas qui ont déboursé 2000 dirhams pour aller à Abidjan. Il aurait vu, de ses yeux, combien les Ivoiriens ont accueilli les Marocains les bras ouverts, sans façon et sans rien. Il aurait renié ses théories stupides sur les races et les couleurs de peau.
Il aurait surtout compris que ce qui l’empêche d’être grand, c’est son incapacité à ouvrir les yeux et à réaliser qu’il est Africain, qu’il le veuille ou non.
Pour revenir au match de samedi, il y a eu un moment fantastique où le public marocain (7000 personnes au moins, soit près du quart de l’assistance) s’est tourné pour applaudir…le public ivoirien. Oui, mon frère. Et c’était beau à en pleurer. Même si, pour la petite histoire, c’est à ce moment-là que l’auteur de ces lignes a reçu une bouteille de plastique sur la tête !
Sans rancune et merci pour tout, mon frère.