Leur Dame de Paris!

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ChroniqueJ’ai demandé à quelqu’un: que penses-tu de ce qui se passe à Notre Dame ? Il a eu cette réponse incroyable: «Ce n’est pas Notre Dame mais la leur!»

Le 20/04/2019 à 17h01

Le feu qui a ravagé Notre Dame de Paris semble diviser nos compatriotes en deux. Une minorité compatit et une majorité ne se sent pas concernée.

La minorité se mure dans le silence, comme honteuse. A quoi bon parler, pense-t-elle, qui va m’écouter ou me comprendre?

La majorité, qui est par définition démonstrative, crie ses arguments aux sourds et aux «vendus» qui ne veulent pas l’entendre.

Cette majorité nous dit: en quoi est-ce que les flammes qui ont détruit une église à Paris peuvent-elles vous toucher, vous qui ne fréquentez pas d’église et ne vivez pas à Paris?

Elle nous dit: comment est-ce qu’un pays comme le Maroc ose contribuer financièrement à la réhabilitation de Notre Dame, alors qu’il doit trouver des fonds pour nourrir ses pauvres et éduquer ses enfants?

Elle nous dit: si vous aimez la culture et le patrimoine, pourquoi ne vous offusquez-vous pas, plutôt, de la destruction des monuments historiques dans le Yémen et en Syrie?

Elle nous dit: pourquoi êtes-vous choqués par la «mort» d’une église et pas par celle des enfants en malnutrition et des migrants qui échouent en mer?

Elle nous dit: est-ce que la destruction d’une église en terre étrangère est plus importante que la destruction d’un pays frère comme la Palestine ?

Elle nous dit: ne vous rendez-vous donc pas compte que vous faites le jeu des Occidentaux et de leurs médias tendancieux, qui ne s’émeuvent que lorsqu’une catastrophe s’abat sur leur sol et pas sur le nôtre?

Elle nous dit: ne comprenez-vous pas que c’est l’Occident, dont Notre Dame n’est que l’un des symboles, qui est derrière nos problèmes, nos guerres, nos retards, notre sous-développement?

Pour paraphraser la Une d’un quotidien parisien, Notre Dame nous rappelle donc notre drame à nous aussi. J’emploie volontiers le «nous» parce que nous continuons à nous considérer particuliers, spéciaux, hors du monde et presque hors du temps, paranoïaques, insensibles à la douleur de nos voisins.

Nous nous excluons chaque jour un peu plus du monde, des autres. Nous nous en éloignons. Nous creusons un fossé, nous fabriquons un mur, nous fermons nos fenêtres et nos portes, nous nous couvrons les oreilles, les yeux et l’esprit. 

Nous nous réfugions dans nos identités et nos appartenances, qui deviennent des prisons. Chaque drame qui «les» affecte réveille nos vieilles frustrations et nous pousse vers une nouvelle crise de névrose, de paranoïa.

Nous devenons «négationnistes». Le drame qui «les» affecte ne nous concerne pas parce qu’il n’est pas réel mais inventé et imaginé par «eux» pour nous diviser et créer la confusion et la fitna entre nous.

Ils veulent nous faire croire que «eux aussi» peuvent souffrir. Alors que leurs souffrances sont infiniment plus douces que les nôtres… 

J’ai demandé à quelqu’un : que penses-tu de ce qui se passe à Notre Dame ? Il a eu cette réponse incroyable: «Ce n’est pas Notre Dame mais la leur!».

Je vous parlais plus haut de paranoïa. Et le pire avec cette maladie, c’est qu’il est impossible d’établir un vrai dialogue avec le concerné. Il n’écoute rien, ni personne, et ne se remet jamais en cause. Parce qu’il est convaincu d’avoir toujours raison! 

Par Karim Boukhari
Le 20/04/2019 à 17h01