Non, ils ne respectent pas l’Afrique

Karim Boukhari.

ChroniqueDerrière les vitrines scintillantes du football globalisé, c’est une réalité brutale qui perdure: l’Afrique reste un vivier qu’on pille, un partenaire qu’on ignore, un acteur qu’on infantilise. Et en totale impunité.

Le 06/12/2025 à 09h00

Non, la FIFA ne respecte pas l’Afrique. Et non, les grands clubs européens ne la respectent pas davantage. Le continent noir, notre continent, qui fournit une part essentielle du talent mondial, continue d’être relégué au second plan, comme si sa contribution n’avait pas la même valeur. Dans le football, le talent est une ressource stratégique: un pétrole brut que l’Afrique extrait, mais dont l’Europe capte les bénéfices.

La prochaine CAN (Coupe d’Afrique des nations), que le Maroc accueille du 21 décembre au 18 janvier, nous en donne la preuve éclatante. Une de plus. La majorité des joueurs appelés évoluent en Europe, particulièrement dans les championnats du G5 (Angleterre, Espagne, Allemagne, France, Italie). Le règlement prévoit qu’ils soient libérés au moins deux semaines avant le début de la compétition, non pas par faveur, mais pour garantir aux sélections un temps minimal de préparation.

Or, à l’approche du tournoi, la FIFA a décidé, sous pression directe du lobbying des clubs européens, de réduire ce délai de 14 jours à 6. Une annonce tombée le 3 décembre, à la dernière minute donc, bouleversant des mois de planification et compromettant la qualité sportive de la CAN. Une décision unilatérale, imposée sans dialogue, révélatrice d’un mépris structurel: celui qui considère que les impératifs africains sont secondaires, négligeables, dispensables.

Pour comparer, imaginez un salarié exemplaire qui découvre, au moment même de partir en vacances avec sa famille, que sa direction a décidé sans préavis de le priver de son congé. Sans discussion, sans justification. Une humiliation. De la hogra pure et simple.

«Il ne reste plus qu’à espérer que les Lions de l’Atlas ne seront pas pénalisés par la rallonge honteuse décidée par la FIFA et les puissants du G5…»

—  Karim Boukhari

Ce traitement à géométrie variable devient encore plus clair lorsqu’on observe la Copa America, organisée elle aussi tous les deux ans. Pour les sélections d’Amérique du Sud, la FIFA et les clubs du G5 se montrent étonnamment conciliants et n’hésitent pas à libérer les joueurs longtemps à l’avance. Le «deux poids, deux mesures» devient un principe de gouvernance.

Et il y a pire: en dehors des grandes stars (les Hakimi, Salah, Osimhen) dont le standing leur offre une coque de protection, nombre de joueurs africains sont soumis à un chantage silencieux mais systémique. Leur club leur glisse: «Si tu pars, tu perds ta place dans le onze. Si tu insistes, tu n’auras plus d’avenir ici». Les témoignages sont nombreux. Pour défendre leurs intérêts, les clubs sont prêts à tout. Mais autant ils se retiennent face aux joueurs européens et sud-américains, autant ils se lâchent et se permettent tout face aux Africains.

Derrière les vitrines scintillantes du football globalisé, c’est une réalité brutale qui perdure: l’Afrique reste un vivier qu’on pille, un partenaire qu’on ignore, un acteur qu’on infantilise. Et en totale impunité.

Tant que le football mondial considérera l’Afrique comme un territoire périphérique alors qu’elle est son poumon créatif, ce genre d’humiliation continuera de se répéter. La CAN n’est pourtant pas un tournoi exotique. C’est une compétition de haut niveau, la dernière édition de Côte d’Ivoire a d’ailleurs été un pur moment de magie. Il ne reste plus qu’à espérer que les Lions de l’Atlas ne seront pas pénalisés par la rallonge honteuse décidée par la FIFA et les puissants du G5…

Par Karim Boukhari
Le 06/12/2025 à 09h00