Depuis que les autorités marocaines ont fermé les points de passages de Sebta et Melilla à toute marchandise destinée au commerce, les femmes qu'on surnommait "femmes-mulets" n’ont eu d'autre choix que de chercher d’autres alternatives, plus viables. Les autorités ont été au rendez-vous pour les accompagner, comme en témoigne une usine de recyclage de textiles de Tétouan que Le360 a visitée. Celle-ci porte bien son nom: Karama recyclage (karama signifiant "dignité").
Il y a quelques mois encore, les femmes qui y travaillent aujourd'hui devaient vaincre le sommeil, les heures interminables de dur labeur, le froid comme la chaleur, le mépris des garde-frontières espagnols et les lourdes cargaisons qu’elles transportaient à même le dos de Sebta à Fnideq, via le tristement célèbre point de passage de Bab Sebta.
Le tout, contre à peine de quoi survivre, elles, n’étant que les "femmes-mulets" d’un réseau de contrebande, qui profitait essentiellement aux commerçants des deux bords. Une pratique illégale, dégradante, qui ne faisait que perpétuer leur précarité, où le moindre espoir d’une vie digne déclinait à mesure que se passaient les années et se fanait leur santé. Mais ça, c’était avant.
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Aujourd'hui, tout a changé dans leur quotidien, à leur grand soulagement. Ces 60 ouvrières, qui vivaient de leur activité de contrebande vivrière, travaillent désormais dans l'usine Karama recyclage, deuxième du genre après celle de Nador, a officiellement démarré son activité au début de cette semaine dans la zone industrielle de Tétouan.
Aujourd'hui, toutes bénéficient d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), ainsi que d'une avance de 50% sur leur salaire à l’occasion du mois sacré de Ramadan, et d'une protection sociale.
«Dans le temps, on souffrait à un point inimaginable et on était même pas sûr de gagner notre pain quotidien. Cela faisait dix ans que j’étais dans cette situation. Aujourd’hui, et grâce à Dieu, j’ai des horaires fixes, un travail honorable, loin des bousculades et autres mauvais traitements d’avant», témoigne Zohra Bekkali, ouvrière.
Sa collègue Najlae Tramej est bien d'accord: «aujourd’hui, nous pouvons aspirer à des contrats de travail en bonne et due forme, une assurance maladie, une retraite. Nous avons même bénéficié d’une avance sur salaire pour couvrir les charges liées au moins de ramadan», explique-t-elle.
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Cette unité industrielle est érigée sur une superficie de 1.500 m2. Son activité consiste, dans une première phase, à trier, découper et à emballer des vêtements ayant déjà été portés.
Dans une seconde phase, la future unité de la société qui emploie ces 60 femmes, actuellement en cours de réalisation au niveau de la zone industrielle Tétouan Park, permettra de renforcer les activités de recyclage et de revalorisation des déchets textiles, via leur transformation en fibres, pour en faire des intrants pour d’autres industries, comme l’automobile.
A ce stade de son développement, l'usine emploiera près de 500 personnes, dont la plupart sont d'anciennes "femmes-mulets". C’est en tout cas la promesse formulée par le directeur général de l’entreprise, Abdelkarim Moumni.
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"Après l'achèvement de la construction de la future usine, qui sera installée à Tétouan Park, le nombre d'emplois directs sera porté à 500", a-t-il confirmé, expliquant que ce projet ambitione d'offrir aux salariées des conditions de travail décentes, afin d'améliorer leurs conditions de vie.
Cette usine en plein essor s'inscrit dans le cadre de l'accélération du Programme intégré du développement économique et social de la province de Tétouan et de la préfecture de M’diq-Fnideq. Un programme pour lequel une enveloppe budgétaire d'environ 400 millions de dirhams a été allouée, et qui vise à promouvoir l'investissement, en vue de créer des opportunités d'emploi et d'améliorer les conditions économiques et sociales de la population, en particulier des femmes et des jeunes.