Quartier Sidi Othman, Casablanca. Il est 11 heures du matin. Nous sommes à quelques pas du boulevard Oqba Bnou Nafii. Adil, dit «Moul Koutchi», officie ici depuis 6 ans. Son cheval Achraf est son compagnon depuis 8 ans et ne ménage aucun effort pour exécuter les ordres de son maître.
Cavaler toujours plus vite, pour effectuer le maximum de trajets aller-retour au quotidien. Le trajet? Il va du quartier industriel jusqu'à Hay El Fallah, en passant par la faculté des sciences de Ben M’sik. Un circuit que des étudiantes, des femmes au foyer, des hommes à la retraite, des ouvriers peuvent emprunter jusqu'à quatre fois par jour. Le voyage en taxi est cher, en calèche, ils économisent la moitié de la somme puisque le tarif est fixé à 2 dirhams 50 à peine.
Si les calèches de Marrakech ont un aspect magique, ici dans ce quartier les calèches sont un simple moyen de transport que les usagers apprécient pour son prix modique. Le "chauffeur", lui, doit faire face à pas mal de dépenses. Pour confectionner sa calèche, Adil a par exemple dû dépenser 15.000 dirhams et son gardiennage lui coûte 20 dirhams par semaine. Le cheval mange l’équivalent de 60 à 70 dirhams par jour. «La nourriture est principalement composée d’orge et de fourrage», nous explique Adil.
Pour l’assurance, Adil débourse 800 dirhams par an alors que sa recette quotidienne est de 30 dirhams environ. «Dans mes meilleurs jours, je peux gagner jusqu'à 50 dirhams. C'est plus souvent 30 dirhams, mais bon, on fait avec», confie-t-il. Avant d’acheter sa calèche, Adil faisait le même circuit, mais transportait ses passagers dans une carriole, sans autorisations ni assurance. «La calèche, c’est mieux. C’est plus tranquille. J’ai mon autorisation, mon numéro, mais ce n’est pas le cas de tous les autres», précise-t-il en jetant un regard autour de lui.
Adil tente d’évoquer l’anarchie qui règne, mais il est entouré de jeunes de son âge qui ont vu l’arrivée de notre caméra d’un mauvais œil. «Madame, nous n’avons pas de problème, aucun problème, tout va bien», lance un des chauffeurs de calèche avant d'ajouter: «La dernière fois que j’ai parlé et que j’ai évoqué les problèmes, on m’a enfermé en prison pendant trois mois».
L’histoire des calèches dans ce quartier périphérique et très chaud de la métropole est étroitement liée à la question de la lutte contre l’informel. «Il y a trop d’anarchie, les autorités doivent réglementer notre secteur. Sinon, cela va devenir de plus en plus pénible», affirme Adil, la voix rauque, le regard miné.