Vague de haine en Espagne: la Fondation Hassan II dénonce des dérives «indignes»

Une manifestation anti-migrants à Tore Pacheco au sud de L'Espagne dans la région de Murcie.

Après l’agression d’un retraité espagnol à Torre Pacheco, une déferlante de haine s’abat sur les Marocains d’Espagne. Entre rumeurs, attaques racistes et discours extrémistes, le spectre des émeutes d’El Ejido refait surface, vingt ans plus tard. La Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger dénonce ces dérives.

Le 13/08/2025 à 13h32

Le 9 juillet, à Torre Pacheco, dans la région de Murcie, un retraité espagnol de 68 ans a été violemment agressé en pleine rue. Rapidement, des rumeurs — non confirmées — ont désigné de jeunes Marocains comme auteurs présumés. Depuis, une vague de haine visant la communauté marocaine a déferlé dans les rues et sur les réseaux sociaux.

Des groupes extrémistes, armés de battes et de barres de fer, s’en sont pris à des maisons, des commerces et des véhicules appartenant à des Marocains. Des slogans racistes ont été scandés et des affrontements ont éclaté avec la police. À Piera, près de Barcelone, un centre islamique a même été incendié. Sur les réseaux radicaux, des vidéos ont appelé à une «guerre sanglante contre les Marocains», tandis que des adresses et des photos de ressortissants marocains ont ouvertement circulé.

Ce climat islamophobe prend racine dans une Espagne où vit une importante communauté marocaine — plus de 1,1 million de personnes selon les dernières statistiques — souvent stigmatisée pour sa présence dans les prisons espagnoles ou pour un lien supposé avec le trafic de cannabis. Des amalgames régulièrement exploités par les groupes d’extrême droite.

La situation rappelle les émeutes d’El Ejido en 2000, lorsque plusieurs jours d’attaques contre des immigrés marocains avaient suivi un fait divers similaire. Deux décennies plus tard, rien ne semble avoir changé: précarité persistante, cohabitation tendue et tentation récurrente d’amalgame.

Face à cette flambée haineuse aux confins de la xénophobie, les autorités espagnoles tentent de calmer les tensions. Pedro Ángel Roca, maire de Torre Pacheco — ville agricole de 36.000 habitants dont près de 30 % sont des immigrés majoritairement marocains — appelle au calme et rappelle que la grande majorité de ces derniers sont des travailleurs honnêtes qui contribuent à l’économie locale.

Depuis Rabat, la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger a réagi, le mercredi 13 août, en exprimant sa «profonde inquiétude» face à cette vague de haine. Dans un communiqué, elle réaffirme son engagement à défendre les droits et intérêts des Marocains à l’étranger, tout en rendant hommage aux autorités espagnoles, partis politiques et organisations de la société civile mobilisés contre ces dérives, qu’elle qualifie «d’indignes de l’Espagne».

La Fondation rappelle qu’en 2010 déjà, elle avait alerté sur la montée du discours xénophobe et islamophobe sur les réseaux sociaux. À l’époque, ce discours était perçu comme importé de l’étranger. Aujourd’hui, il est devenu endogène, nourrissant une hostilité croissante envers les Marocains et les étrangers.

Vingt ans après El Ejido, les tensions restent vives et la communauté marocaine, pilier silencieux de nombreuses villes espagnoles, continue de vivre entre contribution et suspicion.

Par Qods Chabâa
Le 13/08/2025 à 13h32