C’est un soupçon discret, émis par un cadre d’un grand groupe bancaire qui a permis de lever le voile sur une vaste escroquerie opérée sous couvert d’actions caritatives. En examinant des virements en provenance de l’étranger crédités sur certains comptes sans lien clair entre expéditeurs et bénéficiaires, ce responsable bancaire a perçu une anomalie.
Après concertation avec ses homologues de trois autres groupes bancaires, le doute s’est renforcé. Plusieurs opérations similaires, aux montants importants, affluaient depuis des pays européens spécifiques vers des comptes marocains nouvellement ouverts, indique le quotidien Assabah dans son édition du samedi-dimanche 9 et 10 août.
Face à la récurrence de ces mouvements suspects, les établissements concernés ont saisi la Cellule nationale de traitement des informations financières (CN-TIF) afin de pousser les vérifications. Cette dernière a aussitôt lancé une enquête approfondie, en coordination avec les cellules de contrôle financier de plusieurs pays européens, notamment la France, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Belgique.
Les résultats de l’enquête sont édifiants, souligne le quotidien Assabah. Il s’agissait de virements envoyés par des Marocains résidant en Europe, pensant répondre à des appels à l’aide humanitaire relayés sur des applications de messagerie comme WhatsApp, Telegram ou Messenger. Les messages, souvent poignants, mettaient en avant des cas de grande précarité au Maroc, poussant les donateurs à agir rapidement.
Derrière cette façade humanitaire se cachait un réseau de fraudeurs spécialisé dans «l’escroquerie à l’humanitaire». Leur mode opératoire était simple: ils recrutaient des personnes en situation de précarité, leur faisaient ouvrir des comptes bancaires en leur promettant des dons, puis s’emparaient des cartes bancaires pour détourner l’argent. Les véritables bénéficiaires ne touchaient qu’une infime partie des fonds envoyés.
Pour crédibiliser leur arnaque, les escrocs allaient jusqu’à enregistrer des vidéos dans lesquelles les prétendus bénéficiaires remerciaient les donateurs, vidéos ensuite diffusées pour appuyer la véracité des campagnes de dons. Ces contenus servaient aussi à convaincre d’autres bienfaiteurs de participer.
Au total, les virements identifiés dans le cadre de cette affaire atteignent 9,5 millions de dirhams. Une somme colossale détournée au détriment d’un élan de solidarité sincère de la part des membres de la diaspora marocaine.
L’affaire a été transmise aux autorités judiciaires compétentes pour l’ouverture d’une enquête pénale, en vue d’identifier et d’arrêter les membres de ce réseau criminel. Ce n’est pas une première. D’autres réseaux similaires avaient déjà été démantelés dans le passé, souvent à la suite de plaintes de victimes marocaines établies à l’étranger.








