Lancée à l’initiative de la Société marocaine de médecine de reproduction, la semaine de l’infertilité a été l’occasion de débats, de tables rondes, d’expositions et de témoignages de couples sur ce fléau social non encore reconnu comme pathologie au Maroc. La Société marocaine de médecine de reproduction a présenté, à l’occasion de cette Semaine nationale de l’infertilité, les résultats d’un sondage inédit sur l’infertilité au Maroc. L’enquête, qui a été effectuée du 6 au 18 juin par l’institut Averty, a été réalisée auprès de 1.034 couples de 25 à 45 ans et dans qurante villes couvrant les seize régions administratives du Maroc.
Il en ressort que près d’un couple marocain sur huit souffre d’infertilité, entre 15% et 17% des couples en âge de procréer sont touchés par l’infertilité, soit l’équivalent de pas moins de 825.000 personnes. Les chiffres sont fournis par l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS) et des établissements marocains spécialisés dans la médecine de la reproduction. Un couple est dans ce cas « lorsqu'il n’y a pas grossesse après un an de rapports sexuels normaux, réguliers et non protégés. La fertilité du couple dépend de l’aptitude de chacun des deux partenaires à procréer »
" Le sondage offre des résultats très parlants sur la situation des couples infertiles et le degré d’information, très faible, dont dispose les Marocains quant au phénomène de l’infertilité ", a indiqué le professeur Omar Sefrioui, président de la SMMR. Des résultats probants qui montrent bien l’importance de la pérennisation des campagnes de sensibilisation à l’égard de la population marocaine quant au problème de l’infertilité.
L’infertilité est un sujet dont on entend peu parler chez les Marocains. Pourtant chacun de nous connaît au moins une personne de son entourage atteinte d’infertilité, concèdent les spécialistes, affirmant que la honte qui s’attache à l’infertilité empêche de discuter de ce sujet de façon constructive. Pourquoi l’infertilité est-elle un sujet aussi délicat? Pour une seule raison : elle touche la sexualité. Cela reste un sujet tabou, beaucoup de personnes ressentant une honte au moment d'en parler ou de se faire accompagner, surtout quand les échecs s'accumulent" témoigne Aziza Ghallam, présidente de l’Assosiation marocaine des aspirants à la maternité et à la paternité.
Ce groupe de médecins, est parti d’un constat : " Le vécu de l’infertilité est durement ressenti dans la société marocaine avec des conséquences qui sont plus importantes pour la femme aussi bien que pour le couple. Généralement, c’est la femme qui porte le blâme et la honte d’un couple infertile même si la cause est masculine " . Cela reste un sujet tabou, beaucoup de personnes ressentant une honte au moment d'en parler ou de se faire accompagner, surtout quand les échecs s'accumulent" assure le professeur Sefroui. Pis encore, d’autres chiffres viennent confirmer que les Marocains ne sont pas du tout informés; 33,8 % des personnes interrogées pensent qu’il n’existe pas de traitements contre l’infertilité. Et s’ils sont 60,7 % à savoir que des traitements sont disponibles, 40 % d’entre eux sont convaincus que ces mêmes traitements n’existent pas au Maroc. Aussi près de 80% des personnes interrogées ne connaissent-elles pas l’existence de la fécondation in vitro. Quant à ceux qui ont connaissance de l’existence des traitements, ils sont 50.4 % à estimer que ces derniers sont onéreux. En outre, 46% de l’échantillon interrogé affirment méconnaître la position de l’islam ou pensent qu'il est contre les traitements contre l’infertilité.
Pendant une semaine, des experts éminents, théologiens, sexologues ont discuté sur l’infertilité et les moyens d'y remédier. La SMMR espère que cette première semaine aura permis de mettre des mots sur les maux et de poser de nouveaux jalons dans la prise de conscience collective de ce fléau. Les experts préconisent par ailleurs une forte vulgarisation de la Procréation médicalement assistée (PMA) qui n’est proscrite par aucune religion révélée, mais qui n’est pas encadrée par la loi et dont le coup reste prohibitif, de l’ordre de 25.000 DH, ce qui peut ouvrir la voie à la marchandisation de l’être humain.
Nouzha Bouamoud, bioéthicienne et Professeur à la Faculté des sciences de Rabat, se bat pour sortir la PMA des méandres des idées reçues et des tabous de la société. Avec pour devoir, aujourd’hui et face aux générations futures, de mettre en place un comité de bioéthique, constitué de scientifiques, de juristes et de religieux. Et aussi d’instaurer une loi pour cadrer, comme c’est le cas dans tous les autres pays islamiques, la pratique de la PMA qui accuse des années de retard, gérée par un code de déontologie, élaboré en 1922 et remanié dans les années 50.