J’ai regardé le dernier match de l’équipe de France avec un cercle d’amis qui aiment le foot. Mais on a parlé de tout sauf de foot.
Mes amis se passionnent toujours pour les adversaires de l’équipe de France. Ils sont capables de supporter l’Algérie ou Israël quand ils affronteront les Tricolores. Ça a toujours été comme ça. Même du temps de Platini, Ballon d’Or européen, mais qui n’était qu’une «chèvre» d’après eux. Même du temps de Zidane, qui n’est pas français, mais kabyle, d’après eux.
Avant, on disait: «Il y a trop de blancs dans cette équipe de France, où sont les autres?». Aujourd’hui, on s’indigne pour l’exact contraire: «Il y a trop de noirs dans cette équipe, où sont les blancs?».
Ce qui compte, c’est de s’indigner.
Le seul international français qui trouvait grâce aux yeux de mes amis s’appelait Karim Benzema. Mais c’est parce qu’il jouait au Real Madrid et qu’il s’élevait contre, je le cite, «cette partie de la France qui est raciste».
Mais Benzema n’est plus là. Et aucun joueur d’origine arabe n’est là. Donc aucun joueur préféré dans cette équipe de France. Même pas Mbappé, alors qu’il est ami avec Hakimi, que sa mère est à moitié algérienne, et qu’il a été plus que fairplay lors du fameux Maroc-France (0-2) du dernier Mondial: à elle seule, cette défaite est bien partie pour être un traumatisme durable. À raison, paraît-il, puisque l’arbitre du match avait omis de siffler un penalty pour les Marocains…
Ce soir, la France affronte le Portugal. L’un de mes amis, appelons l’ami 1, s’enflamme d’entrée sur la couleur de peau des Tricolores: «Ce n’est pas l’équipe de France, mais une sélection africaine. Ce n’est pas possible, trop c’est trop!». L’ami 2 lui réplique du tac au tac: «Sais-tu que tu reproduis très exactement le discours de l’extrême droite et des identitaires en France?». Non, non, se défend l’ami 1, «rien à voir avec ces théories racistes, ce que je veux dire, c’est que la France continue de piller les richesses africaines, ces joueurs devraient jouer avec leur pays d’origine».
C’est marrant comment on continue de parler de cette notion de pays d’origine, s’exclame un autre ami, le 3. «Ne croyez-vous pas que tout cela soit dépassé?».
C’est le moment où la discussion a dérivé vers les élections françaises. L’ami 1 lance un pavé dans la mare: «Cette équipe de France n’a aucun avenir. Si l’extrême droite gagne ce week-end, elle sera dissoute et chaque joueur sera renvoyé vers son pays d’origine!».
C’est le genre d’affirmation idiote, à l’emporte-pièce, qui traduit avant tout la peur du lendemain qui s’empare de chacun de nous, à des degrés divers et pour des raisons que la raison ne saurait définir.
À partir de là, impossible de se concentrer sur ce match de football. J’ai oublié le score. Quelle importance, d’ailleurs?