Transports en commun: quand l’incivisme prend le volant

Un bus électrique à Casablanca.. © Daimler Truck AG– press photo, do not use for advertising purposes

Cracher les coquilles de graines par terre, parler fort au téléphone, se disputer violemment, l’incivisme est monnaie courante dans les transports publics marocains. Les chiffres le confirment: le Centre marocain pour la citoyenneté révèle que plus de 60 % des usagers ont déjà été témoins de tels débordements.

Le 06/10/2025 à 09h59

Aux heures de pointe, certains trajets dans les transports publics se transforment en chaos. Des passagers se précipitent pour arracher une place, bousculant les autres. Les tensions montent rapidement: certains martèlent la porte pour forcer l’arrêt, d’autres imposent leur musique forte à tout le bus, et les bousculades constantes déclenchent inévitablement des éclats de voix. Une enquête menée par le Centre marocain pour la citoyenneté sur les réseaux sociaux auprès de 1.173 participants révèle que près de 6 usagers sur 10 déclarent vivre ou observer régulièrement ce type de débordement dans les transports en commun, confirmant l’ampleur de l’incivisme au quotidien.

Parfois, la violence verbale prend des proportions inouïes. Dans un bus bondé en direction de Rabat, une jeune femme de 20 ans nommée Fatima nous raconte: «Il était sept heures du matin. Assise près de la fenêtre, j’ai refusé d’ouvrir car j’étais malade et qu’il faisait froid. Un homme, visiblement agacé par la surcharge et le manque d’air, m’a regardée et m’a lancé, d’un ton moqueur et agressif: «Ah, t’es malade? Eh bien, crève!»

La tension peut aussi naître de la confrontation directe avec le conducteur. Zineb, une jeune étudiante, raconte: «Le bus était bondé et l’atmosphère étouffante. J’avais réussi à trouver un petit espace, mais le conducteur m’a ordonné de reculer vers l’arrière, une zone où il n’y avait que des hommes et où je risquais de subir des frottements. Malgré mes explications, le conducteur est resté intraitable, menaçant d’arrêter le bus. Pire, les autres passagers ont commencé à m’insulter et à me sommer de bouger. Je me suis sentie seule et acculée, incapable de trouver une solution, et j’ai finalement dû descendre en pleurs.»

Sans parler des voyageurs qui mangent dans le bus ou jettent tickets et déchets n’importe où. Aux terminus, l’affluence à la montée dans le bus est incontrôlée. Les passagers se précipitent pour monter, chacun voulant être le premier à choisir un siège. Certains parents envoient même leurs enfants réserver une place, tandis que d’autres bousculent quiconque se trouve sur leur passage. Certains montent dans le bus pour réserver leur place avant même de payer leur ticket.

Cette promiscuité forcée rend les contacts physiques inévitables et dégénère souvent en altercations verbales. Les bousculades sont aussi monnaie courante, surtout lors de la montée dans les bus. Ces incidents provoquent des chutes, coincent des passagers dans les portes automatiques et perturbent la concentration du conducteur. Dans les cas les plus graves, ces situations augmentent le risque d’accidents majeurs, mettant en danger les voyageurs ainsi que la circulation environnante.

Dans un pays se préparant à accueillir le monde en 2030, ces comportements révèlent les fragilités de l’espace public, où l’urgence d’une place éclipse les règles du vivre-ensemble. La question demeure: ces habitudes persisteront-elles, ou l’impératif de sécurité et de projection d’image transformera-t-il durablement les déplacements urbains?

Par Najwa Targhi
Le 06/10/2025 à 09h59